Date de publication
2 avril 2024
modifié le

Mikaël Bernard : "L’université m’a ouvert des horizons artistiques"

Rennes 2 part à la rencontre de ses anciennes et anciens étudiants. Passé par les Arts du spectacle, Mikaël Bernard, 32 ans, est aujourd’hui metteur en scène de théâtre et fondateur de la compagnie À Corps Rompus.

Portrait de Mikaël Bernard devant le Tambour
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Mikaël Bernard

Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir metteur en scène ?

Je viens de la presqu’île de Guérande, une zone rurale où il y avait peu d’offre de spectacle, et dans ma famille, on y allait de toute façon peu. Donc c’est vraiment par la pratique, au lycée, que j’ai rencontré le théâtre. Je faisais partie du club théâtre, j’aimais déjà l’idée de troupe, et en seconde nous avions travaillé sur les écritures contemporaines et monté un spectacle incroyable. Cela m’avait fait me dire qu’on pouvait faire des choses qui avaient du sens. En terminale, la prof qui s’occupait du club a fait un burn out, et je me suis retrouvé à proposer le texte de la pièce que nous allions jouer. J’ai compris que j’avais plus ma place à l’extérieur, à regarder et à fabriquer, que sur le plateau.

Pourquoi avoir choisi de suivre une formation universitaire à Rennes 2 ?

J’avais une amie du club théâtre qui était entrée à Rennes 2 et m’avait dit du bien de l’université et de la licence Arts du spectacle. C’est une formation axée sur le théâtre qui se joue, on travaille vraiment autour du plateau et pas uniquement sur une approche purement littéraire. C’est ce que je voulais parce que même si la théorie m’intéressait, je souhaitais en faire mon métier en tant qu’artiste, pas en tant que chercheur. Après la première année, il a fallu choisir de se spécialiser en théâtre ou en cinéma, deux médiums qui me plaisent. J’ai privilégié le théâtre parce que j’aimais beaucoup l’équipe enseignante, et l’association l’Arène théâtre offrait encore plus de possibilités de pratiquer.

Quels sont globalement vos souvenirs de la formation ?

Nous avions beaucoup de cours en amphi en L1, et ça fait bizarre quand on sort du lycée. Mais dès la L2, nous étions beaucoup moins en classe, et à partir de là, l’ambiance était à la franche camaraderie. Il y avait une émulation artistique, un climat propice à la création, à l’échange, que ce soit dans le cadre des cours ou au sein de l’Arène. Par exemple, nous avions en cours des projets de scénographie, ou des performances de danse. Tout l’écosystème théâtral rennais était impliqué puisque des professionnel·les intervenaient en cours ; nous avions des liens avec le TNB, le théâtre de la Paillette ; des étudiant·es du conservatoire faisaient partie de notre promo, etc. Avec l’Arène, j’ai monté mon premier spectacle en 2011, avant de devenir secrétaire puis président pendant plusieurs années. C’est la période où nous avons décidé de donner une dimension internationale au festival de l’association, donc nous avons accueilli des troupes d’Allemagne, du Québec, du Liban… Nous avions d’ailleurs des cours d’anglais spécifiques au théâtre, durant lesquels on n’apprenait pas simplement à se présenter mais on découvrait des dramaturges anglophones. Bref, c’était très chouette !

Spectacle De Ruines et de Rage
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Spectacle De Ruines et de Rage © Clara Rousseau, Université Rennes 2

Sur le plan professionnel, que vous a apporté la formation ?

L’université m’a ouvert des horizons artistiques que je n’aurais pas découvert autrement. J’ai fait énormément de découvertes durant les cours, de nombreux auteurs et autrices comme Sarah Kane, Christian Lollike… J’ai travaillé pour mon mémoire sur le théâtre radiophonique, et sur les frontières du théâtre physique. On reproche parfois aux artistes issu·es de l’université d’être plus axé·es sur la théorie que la pratique, d’être trop intello, mais pour moi c’est un atout de connaître les grands courants artistiques et de pouvoir y replacer mon travail.

Et puis j’ai eu des cours d’administration très concrets. À la sortie de l’université, je savais faire des budgets de production. J’ai d’ailleurs monté ma structure lors de ma dernière année de master : mon dernier spectacle étudiant a été le premier de ma compagnie, À Corps Rompus.

Vous avez aussi fait des stages durant votre formation.

Oui, les stages n’étaient pas obligatoires, mais encore une fois, comme je voulais être artiste, c’était primordial de pratiquer. C’est un conseil que je donnerais aux futur·es étudiant·es, car cela m’a permis de découvrir et de m’inscrire dans des familles théâtrales. J’ai eu l’opportunité de faire des stages d’assistant à la mise en scène avec David Bobée, Éric Lacascade et Thomas Jolly. Cela ne me laissait pas beaucoup de temps pour les études en parallèle : j’ai “redoublé” ma deuxième année de master, puis j’ai finalement arrêté en janvier. Et c’est assez drôle car j’ai écrit à 8h30 à ma directrice de mémoire pour lui annoncer, et à 10h, Thomas Jolly me proposait de travailler avec lui.

Avez-vous pu bénéficier d’un réseau professionnel ?

Oui, clairement. J’ai bénéficié du réseau de mes profs pour mes premiers stages, du réseau interuniversitaire ensuite, notamment via l’Arène et le service culturel de Rennes 2. Par exemple, l’université d’Artois à Arras a accueilli un de mes spectacles et j’y ai ensuite travaillé. En tant que président de l’Arène, je travaillais souvent avec l’ADEC-Maison du théâtre amateur à Rennes, une structure qui m’a ensuite recruté durant plusieurs années en tant que metteur en scène. J’ai aussi gardé des liens avec des personnes avec qui j’avais fait mes études. Nous sommes assez peu à être devenu·es artistes, mais beaucoup ont continué à travailler dans le milieu culturel. Nous sommes en lien et il existe une forme de solidarité entre nous, on échange, on s’envoie des plans de travail, etc. C’est quand même un métier difficile, il faut s’accrocher les premières années, et le collectif est important.

À quoi ressemble concrètement le quotidien d’un metteur en scène ?

Le temps passé “au plateau”, ce pour quoi on travaille en fait, ne représente finalement qu’un tiers de mon temps. Pour le reste, je passe beaucoup de temps seul derrière mon ordinateur à faire des demandes de subventions, des projets d’action culturelle, des dossiers artistiques, etc. J’ai pourtant dans ma compagnie une personne en charge de l’emploi et une autre en diffusion de production. Mais l’administratif prend du temps. Tout comme le fait d’entretenir son réseau, d’aller boire des cafés… ça fait partie du job [rires] ! Ce sont ces échanges, avec de potentiel·les interprètes ou des directrices et directeurs de structure, qui permettent que l’on pense les un·es aux autres quand on débute un projet. Dans mon quotidien, je prends aussi le temps de m’imprégner du monde par les médias et les arts de manière générale, donc je lis beaucoup, je vais au spectacle, je regarde des films, etc. Une bonne partie de mon travail est aussi consacrée à la transmission : je donne des ateliers de création avec des adultes et des ados, et je fais régulièrement des résidences où je m’immerge dans un territoire pour travailler cette question avec les personnes qui y habitent.

Performance D'Amour et d'Eau Fraîche 
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Performance D'Amour et d'Eau Fraîche © Margot Lambert, Université Rennes 2

Quels sont justement vos sujets de prédilection ?

Je cherche toujours à faire le lien avec des questions qui traversent la société. Par exemple, en ce moment, il faudrait être totalement hermétique au monde pour ne pas voir la crise climatique. C’est le sujet de plusieurs projets en cours : l’adaptation du roman de Wendy Delorme, Viendra le temps du feu, la création d’un spectacle tout public autour de l’éco-anxiété, et puis un stage autour de l’écologie avec des adolescents au Grand Cordel à Rennes. J’avais envie qu’on s’adresse à celles et ceux qui vont être en première ligne. Je ne suis pas conservateur, je pense que la société a besoin d’évoluer et que la colère est saine et peut être transformatrice. Donc je m’intéresse au soulèvement, au feu intérieur qui nous amène au changement. Il y a aussi la question des désirs pluriels et du consentement, de l’amour après me too, que l’on aborde avec D’amour et d’eau fraîche, où on retrouve aussi bien Virginia Woolf que Platon ou Judith Duportail. Voilà, j’ai envie de soulever des questions mais je ne cherche jamais à apporter de réponse. D’ailleurs j’aime bien une formule de Judith Duportail à ce sujet : “Je n’ai pas trouvé toutes les réponses mais j’ai fait la paix avec mes questions.”

Étiez-vous un étudiant particulièrement engagé ?

Engagé dans la vie associative oui, puisque j’ai consacré beaucoup de temps à l’Arène. J’étais aussi moniteur de l’ancienne salle Jarry, qui se situait à la place du PNRV, et le premier moniteur de la salle Pina Bausch, j’ai participé à concevoir l'équipement qui allait être utilisé. Je suis d’ailleurs allé voir récemment un spectacle dans cette salle et j’étais assez nostalgique face à la créativité déployée dans cette salle. La période sociale était plutôt calme et le temps n’étant pas extensible, j’ai mis mon énergie dans la création de projets sur le campus, et je crois que c’est assez chouette ce qu’on a fait collectivement avec l’Arène.

Vous gardez de nombreux liens avec Rennes 2. Comment êtes-vous impliqué dans la programmation culturelle de cette année ?

Nous avons joué cette année D’amour et d’eau fraîche et De ruines et de rage, à Mazier et au Tambour. Je suis aussi cette année le parrain de Faites court, pour l’édition sur le thème du désir. Le 3 avril, je lirai les textes lauréats des étudiant·es et du personnel, à la Chambre claire. Cela faisait des années que je me disais : “Jouer non, mais lire, pourquoi pas ?” Le service culturel m’offre cette opportunité, ce sera la première fois pour moi. J’ai la trouille mais c’est aussi excitant de transmettre à voix haute ces textes.

Livret Faites court
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Mikaël Bernard est parrain de la 25e édition du concours d'écriture « Faites court »

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