
Organisée chaque année, la Journée de la Recherche de l'Université Rennes 2 met en lumière la richesse et la diversité des travaux menés au sein de ses laboratoires. Cette édition consacrée à la recherche en société s’est ouverte au-delà de l'université avec pour ambition de favoriser les rencontres et les échanges entre chercheuses, chercheurs, actrices et acteurs de la société, ainsi que partenaires investis - ou souhaitant s'investir - dans des dynamiques de recherches co-construites.
Partenaires de l'Université Rennes 2, actrices et acteurs du territoire et parties prenantes de projets de recherche étaient donc invités à se saisir de cette occasion pour renforcer leurs coopérations et en faire émerger de nouvelles, au service d'une recherche ancrée dans les réalités sociétales et les enjeux duterritoire.
[Musique]
Bonjour à toutes et à tous, je suis Ronaldo, je suis étudiant en master didactique des langues et je suis stagiaire dans la recherche sur le portfolio et les étudiants en exil. En tant que son soutien de recherche. Donc dans le projet, on a travaillé sur le portfolio langagier. On a pu collecter 42 portfolios et on a interviewé 30 étudiants dans le but de savoir si la production de portfolio était un incubateur ou réceptacle de compétences. Donc on peut citer des référentiels du master didactique des langues autour des portfolios, c'est les compétences linguistiques et didactiques théoriques, des compétences directement professionnelles, posture et travail du futur enseignant et le langage contribué au développement cognitif et stimulant la pensée critique et la compréhension. Les entretiens ils étaient menés sous le format d'entretien compréhensif et vous pouvez passer. Ah et là c'est quelques portfolios qu'on a pu collecter donc il y a une recherche des nationalités donc des étudiants qui viennent de différents continents et qui parlent deux, trois ou même quatre langues. Vous pouvez passer. Et là j'ai pris un extrait de mon portfolio où je montre qu’à la fois le portfolio était un incubateur et réceptacle des compétences.
Ce travail pour montrer la grande diversité linguistique et la grande richesse des parcours de nos étudiants internationaux. Et pourtant, ce capital langagier impressionnant ne suffit pas à les inclure dans la communauté universitaire. Aujourd'hui la mobilité étudiante s'élève à 400 000 étudiants étrangers par an dans les universités françaises. Ce chiffre est en constante augmentation. Au sens juridique du terme, la vulnérabilité est un critère spécifique des personnes en exil. Elle est intrinsèque, non à leur personne mais à leurs conditions. Ce critère de vulnérabilité s'applique bien sûr aux étudiants qui sont en exil. Pour répondre à ce besoin particulier, le réseau MENS, réseau des migrants dans l'enseignement supérieur et la DQF, l'association des directeurs des centres universitaires de français langue étrangère ont mis en place un diplôme universitaire, DU passerell, habilité par le ministère de l'enseignement et de la recherche, de l'enseignement supérieur et de la recherche en 2019. C'est une avancée significative : droit aux bourses, première reconnaissance nationale d'un diplôme universitaire. Mais ceci ne résout pas tout. L'objectif de notre recherche est donc le suivant : étudier les dynamiques de l'inclusion pour comprendre les enjeux de ce processus et indiquer les pistes de recommandation aux différents acteurs de l'inclusion des étudiants en exil. Ceci implique une approche interdisciplinaire à la croisée des champs du droit, de l'anthropologie, de la didactique des langues, de la linguistique, de la démographie, de la psychologie. Donc de constituer une équipe de chercheurs issue de disciplines différentes. Cette diversité des approches nécessite de créer une communauté de pratique au sens donné par Venger autour de l'objet de recherche. Notre recherche s'inscrit aussi dans le cadre de la recherche action qu'on peut définir comme participation active de personnes qui ne sont pas des chercheurs mais qui peuvent donner leur expertise de professionnels, d'usagers concernant les dispositifs analysés. Nous avons donc organisé une journée d'études intitulée « Étudiants en exil, enjeu et dynamique inclusive » les 14 et 15 novembre dernier dans l'objectif de réunir des acteurs de cette recherche. Cette journée a pris la forme suivante : une présentation au cinéma Arvor, par les étudiants en exil d'un atelier d'écriture intitulé « Reprendre la main ». Ce travail a été accompagné par des étudiants de master 2 en didactique des langues, Ronaldo et ses camarades, puis nous avons vu le film de Laurent Rodriguez « Même situation la lune » un docu-fiction qui suit l'itinéraire d'étudiants syriens inscrit dans le DU passerelle de Paris Sorbonne. Après la projection nous avons assisté à un débat avec le réalisateur et le professeur de la classe animé par le directeur de l'Arvor, Éric Gouzannet. Le lendemain à Rennes 2, les conférences de chercheurs pluridisciplinaires posant les enjeux de l'inclusion des étudiants en exil ont eu lieu. En début d'après-midi une table ronde intitulée « Intégration des personnes en exil : quelle représentation, quelle priorité » réunissant les associations de la ville de Rennes, pardon les associations et la ville de Rennes s’est tenue. Cette journée nous a permis de nouer des contacts avec différents acteurs et de poser les bases d'une recherche d'action. Notamment, nous avons constaté une forte participation des étudiants en exil, des associations, des étudiants du master de didactique, du FLEU, des enseignants du CIREFE, le centre d'enseignement du français comme langue étrangère à Rennes 2 et des enseignants chercheurs du laboratoire LIDIL. C'est un signal fort pour un travail interactif entre recherche et terrain. À l'issue de cette journée nous avons créé un groupe de travail interdisciplinaire autour de trois axes : les temporalités contradictoires, la question de l'identité et son impact sur la migration et l'écriture créative comme outil de reconstruction identitaire.
Ma grand-mère est entrée à l'école à Saint-Coulitz, petit village du Finistère en 1922. Les familles modestes sont bretonnantes, les enfants arrivent à l'école et ne connaissent que le breton. Ma grand-mère y apprendra le français. En franchissant le seuil de l'école, elle a changé de langue, elle a aussi changé de nom, puisqu'il y avait eu une erreur sur les registres de l'état civil. Anna la bretonnante est devenue Marie-Joséphine la francophone. De nombreux étudiants bretons à cette époque ont subi un choc culturel qui a recomposé leur identité. Aujourd'hui ce sont des enfants et des étudiants réfugiés qui sont en but à ce défi interculturel doublé des traumatismes du parcours de migration. Pour que leur histoire soit prise en compte, pour que leur langue même dite minoritaire soit valorisée à la hauteur de leur richesse, terminons cette présentation avec ce couplet du chanteur breton Gilles Servat. Je traduis en français « Langue que l'on appelle minoritaire comme les étoiles éclaboussant la jupe de la nuit, que serait la lune sans vos éclats, sinon une lumière unique au milieu de l'espace vide ».
[Chant breton]
[Applaudissements] [Musique]
Quelques chiffres
13 projets de recherche ont été présentés, et 7 ateliers proposés. Sur 173 participantes et participants à au moins un temps de la journée, 123 personnes étaient issues du monde académique et 50 de la société civile ou d’institutions partenaires. Parmi ces 50 personnes, nous avons recensé :
personnes issues du monde artistique ou culturel
personnes issues du milieu associatif
personnes issues de structures territoriales
Quelques ressources
- Projet "Ce qui nous concerne" : collecter des paroles engagées
- Le projet (Re)Source décrypte notre attachement à l’eau
- La restauration du son du cinéma amateur, au cœur du projet ReSound
- Trois questions à Barbara Fontar sur Embape, projet de recherche sur l’éducation aux médias en Bretagne
- Danser ensemble, pour favoriser l’inclusion de personnes en situation de handicap
Ateliers collaboratifs : Approfondir en groupes
L’après-midi était consacrée à un temps de travail collaboratif par groupes, sur les thématiques suivantes :
- Recherche-création, animé par Hélène Bailleul (EUR CAPS)
- Transition écologique et sociale, animé par Yaël Clec’h (Murmurations) et Sandrine Rospabé (LiRIS)
- Méthodologies de la recherche participative, animé par Yves Bonny (Mission Univer.Cité)
- Recherche doctorale impliquée, animé par Timothée Fouqueray (LETG-IODE)
- Collaborations dans les recherches en éducation, animé par Lise Tregloze (CREAD)
- Partenaires en recherche participative, animé par Benoît Feildel (Vice-Président Sciences et société, Partenariats)
- La recherche en sport au service de la société, animé par Brice Martin (M2S)
Synthèse des réflexions
Trois grandes idées semblent se dégager du contenu des cartes mentales produites en ateliers : celles de l’engagement, de la rencontre et du mouvement.
La recherche participative paraît être pensée et vécue comme une forme d’engagement : il s’agit pour ses actrices et acteurs d’être “au plus proche des enjeux” et des “urgences”, de conduire une “recherche impliquée”. Celle-ci entend contribuer à lutter “contre les inégalités”, pour la “justice sociale” ou plus largement pour un “futur désirable” ; pour cela, l’accompagnement des transitions, par exemple vers un “sport durable”, se dégage comme levier d’action. Cette question de l’impact social des recherches s’accompagne, en amont, du souhait que l’émergence des problématiques se fasse depuis le collectif et le regard citoyen ; et en aval du souhait d’une “valorisation sociale” des recherches : par le lien avec la décision publique mais aussi par “l’appropriation” des projets menés par leurs parties prenantes.
Cette appropriation nécessite les conditions d’une rencontre, travaillée par des questions “d’équilibre”, de “confiance” réciproque et de “postures” à travailler “en symétrie”. Il est nécessaire de se comprendre, et pour cela de fonder un vocabulaire et un langage communs. Prises dans des enjeux de légitimité, les parties non académiques tentent de “s’autoriser” à se mettre en recherche, tandis que les chercheuses et chercheurs travaillent une “transformation de leurs épistémologies”. Pour faire advenir ce “décloisonnement” entre science et société, créer des temps et des espaces de rencontre apparaît primordial. Une fois structurés, ceux-ci doivent être accompagnés de personnes ou de dispositifs chargé.es d’entretenir ces liens : personnels “d’intermédiation”, “tiers-veilleur.ses” ou encore “comptoir des demandes” sont perçus comme essentiels à leur pérennisation. Celle-ci peut être facilitée par un ancrage territorial fort, par exemple sur la question des transitions écologiques et sociales.
Une fois mises en place ces conditions de rapprochement, il s’agit de travailler en mouvement constant : “adaptabilité” et “flexibilité” des parties s’exercent tout au long des projets. Cette souplesse s’accompagne d’une réflexion sur l’accessibilité des savoirs produits, pouvant devenir “outils d’éducation populaire” ; ainsi que d’une forme d’exploration dans les formats, ouverts aux approches expérimentales et à l’innovation dans leurs formes de restitution. Cette transversalité des approches permet “l’hybridation” et la “contamination” à même de “réconcilier le poétique et le scientifique”. Ces croisements posent néanmoins la question des contours et des cadres des projets, parfois difficiles à délimiter : par exemple, en recherche-création, “la création est-elle l’objet à observer ou à partager” ?
Ces grands enjeux rencontrent deux types d’obstacles. Celui des financements, d’abord, trop rares et inadaptés au temps long de la co-construction, ou ne permettant pas la rémunération du temps des partenaires non-académiques. Celui des incitations, d’autre part, insuffisantes tout au long des carrières académiques. Le constat est posé d’un “manque de formations”, qui seraient à développer dès le Master et pourraient s’appuyer davantage sur les tiers-lieux ou les dispositifs de Zones Ateliers ou de Living Labs. Pour celles et ceux qui s’y lancent, la recherche participative reste dépourvue de la reconnaissance et de la valorisation qui devraient accompagner son ambition de “construire du commun, qui n’est ni compromis ni consensus”.
Et maintenant ?
Le renforcement des coopérations est affirmé comme une priorité stratégique pour l’Université Rennes 2, qui s’engage à faciliter l’appropriation des connaissances par la société civile ainsi que son implication dans la construction des savoirs. Cette politique d’échanges et d’ouverture se construit en tenant compte des besoins et de priorités de la société.
Attentes | Pistes de travail |
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Tirer des bénéfices concrets d’une collaboration de recherche pour les activités professionnelles | Diversifier les modalités de restitution des savoirs construits et élaborer des indicateurs permettant d’appréhender l’impact des projets menés |
Mieux comprendre ce qu’un ou une chercheur, chercheuse pourrait faire avec les membres de la société civile | Renforcer le suivi et la valorisation des collaborations de l’Université Rennes 2 avec ses partenaires, par exemple à travers la création d’un catalogue de projets |
Faciliter les ponts entre arts, sciences, culture et territoire afin d’enrichir les perspectives | Structurer un guichet d’entrée pour l’établissement, lui permettant d'être saisi de problématiques traduisibles en questions de recherche |