Pouvez-vous nous décrire le projet (Re)source ?
L’équipe du projet (Re)Source : En s'appuyant sur la dynamique d'évaluation et d'accompagnement des atlas socio-culturels des rivières de Bretagne initiée par Eau et Rivières de Bretagne (ERB) en 2019 en partenariat avec la Région Bretagne et l’Assemblée permanente des présidents de commissions locales de l’eau de Bretagne (APPCB), la recherche-action entend poursuivre la réflexion autour de la mobilisation des savoirs citoyens, des mémoires locales et de l'approche culturelle et sensible de notre rapport à la rivière.
Son objectif est de mieux appréhender les mécanismes d'attachement et de relation à l'eau en continuant à élaborer et expérimenter des protocoles d'actions permettant de travailler ou de créer de nouvelles relations aux milieux aquatiques dans la perspective de mobiliser des communautés d'intérêts autour des enjeux de défense et de gestion de ces derniers.Le travail du comité de pilotage a permis de définir la question de recherche suivante : à partir des démarches d’atlas socio-culturels et initiatives en cours dans l’espace breton, en quoi l’approche culturelle développées peut-elle nous donner des modalités et leviers d’action pour :
- la mobilisation des acteurs et actrices en vu de la constitution de communautés d’intérêt et d’attachement (de la sensibilisation à l'appropriation des enjeux et à l’implication dans l’action, de la protection à la gouvernance)
- la prise en compte des questions socio-culturelles en plus de l’approche technique des questions relatives à l’eau
- les politiques publiques de l’eau (approche intégrée et transversale, territorialisation, gouvernance…).
Plus largement, il s’agira de voir en quoi ses approches contribuent à la préservation de l'environnement et nourrissent le dialogue environnemental avec les citoyennes et citoyens et entre les différentes parties prenantes.
L'Aber Wrac'h dans le Nord Finistère en Bretagne est l'un des terrains de recherche principaux du projet (Re)Source. Crédit : Jean-Louis Potier/Flickr
Pouvez-vous nous décrire les différents partenaires impliqués dans le projet et leur activité au sein du projet ?
Plusieurs cercles d’acteurs sont impliqués dans le projet.
Le comité de pilotage est constitué de l’association Eau et Rivières de Bretagne (ERB), du laboratoire Espaces et sociétés CNRS/Rennes 2 (ESO) et de l’Assemblée permanente des présidents de CLE de Bretagne (APPCB).
ERB, à l’initiative de cette recherche-action, est chargée de la coordination de la démarche. Elle œuvre pour la restauration et la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques grâce à la mobilisation d'un réseau de plus de 1800 adhérents dans 185 associations membres. Elle agit selon quatre grands axes : informer pour développer l’éco-citoyenneté, sensibiliser pour mieux protéger, participer pour faire entendre la voix des personnes mobilisées pour protéger l’eau, celle de la nature et agir pour changer la société.
L’unité de recherche ESO - CNRS regroupe 280 membres sur 5 sites (Angers, Caen, Le Mans, Nantes et Rennes), dont 120 doctorant·es, principalement des géographes, des aménageurs-urbanistes et des sociologues mais aussi des chercheur·ses d'autres disciplines (psychologie environnementale, architecture, sciences de la communication...). Elle entend contribuer à la compréhension de la dimension spatiale des sociétés et des territoires vécus. Deux axes de recherche d’ESO sont concernés : “Pratiques, expériences et représentations de l’espace” et “(Re)localisation du politique : un processus sous tension”.
Depuis 2022, l'APPCB copilote la démarche d’atlas à l’échelle régionale avec Eau et Rivières de Bretagne et la Région Bretagne dans le cadre de son axe de travail “Eau et Patrimoine”, considérant que la démarche des atlas permet d’impliquer les citoyens par une entrée bien plus accessible : l’attachement au territoire. La perception et la représentation des acteurs et actrices et habitant·es d’un territoire apparaît en effet comme fondamentale pour mener une politique de gestion de l’eau. Considérant la complexité des ces outils et leur manque de visibilité pour le grand public, grand public à atteindre pour une meilleure gestion de l’eau, l’implication dans la recherche-action permet de faire connaître les commissions locales de l’eau (CLE) comme des structures incontournables de la politique de l’eau à l’échelle des territoires et de travailler sur les enjeux d’une gestion équilibrée, partenariale et concertée de l’eau. Enfin, la mise en évidence de l’attachement aux espaces aquatiques constitue aussi un levier de mobilisation des élu·es dans ces instances.
La recherche-action se déploiera principalement sur deux terrains, le bassin-versant du Scorff et sur l’Aber Wrac’h. Les expériences réalisées pourront cependant être reproduites et expérimentées ponctuellement sur d’autres territoires bretons. Des parties prenantes associées autour de chaque territoire sont dores et déjà mobilisées et proposent des cadres d’actions pour s’associer à (Re)Source. Il s’agit d’acteurs et d’actrices du secteur culturel et artistique - compagnie de théâtre Piba, théâtre du Strapontin, Ecole des Beaux-Arts (EESAB) site de Lorient, direction de la culture de Lannion-Trégor-Communauté - d’un collectif de citoyens et citoyennes, des acteurs et actrices du milieu agricole et de celui de l’eau - animateur·rice schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE), comité de bassin versant…
Quelles sont les différentes étapes du projet, et où en êtes-vous aujourd'hui ?
La première étape a été dédiée à un temps d’interconnaissance entre les différents porteurs et porteuses de ce projet, permettant la mise en place d’un comité de pilotage et d’un calendrier de travail. Dans un second temps, il s’est agi de travailler à formuler notre question de recherche ; le travail de Félix Subileau, stagiaire en master 1 au laboratoire ESO, a permis de réunir les premiers matériaux de recherche pour élaborer les pistes et angles de travail à approfondir.
À la suite de ces premières étapes nous avons invité des parties prenantes potentielles, notamment issues des milieux culturels, artistiques, de l’agriculture, mais aussi des citoyen·nes et élu·es mobilisé·es autour des enjeux de l’eau et des rivières, à réagir à notre question de recherche. Ce temps a permis de voir comment chacune des personnes présentes développait d’ores et déjà des actions abordant les questions de protection de l’environnement à travers une approche territoriale, participative et/ou culturelle.
La dernière phase de Tissage a alors consisté à articuler les différentes actions proposées, à les programmer sur 3 ans (calendrier d’action) et à profiler une méthodologie de mise en œuvre de la recherche-action avec l’ensemble des territoires et des acteurs et actrices de (Re)Source.
Le projet TISSAGE a pour objectif de favoriser les rencontres entre les citoyen·nes, les chercheur·ses et les décideur·ses. Quel est l'impact souhaité du projet pour la société civile ?
Le projet invite les différents acteurs et actrices de la société civile, les technicien·nes et élu·es, les associations écologistes (ERB et ses membres), les citoyen·nes, les chercheur·ses, des artistes, des acteurs et actrices du secteur culturel et des agriculteur·ices à se décaler de leur domaine d’activité, contexte, rôle et milieu habituels. L’ambition du projet est de créer des espaces-temps permettant de créer du dialogue, de l’écoute et de tisser de nouvelles relations entre les différent·es usager·ères de l’eau et les gestionnaires. Il s’agit à la fois de mieux comprendre les problématiques de chacun pour permettre un dialogue plus apaisé et élargir la communauté d’intérêt et d'engagement autour des enjeux de l’eau. L’objectif est de contribuer à construire des solutions collectivement et démocratiquement face aux tensions engendrées par les conséquences du changement climatique et les usages concurrentiels de l’eau.
En invitant à faire un pas de côté pour regarder depuis un nouveau point de vue, l’objectif est de permettre de travailler à construire un nouveau paradigme culturel et politique permettant de poser les bases d’un nouveau relationnel aux vivants (biodiversité et milieu), au territoire (bassin-versant) et de mieux comprendre les inter-relations qui nous lient pour imaginer et (re)construire des espaces de dialogue et de gouvernance partagée.
En quoi ce projet est-il innovant ?
Ce projet permet d’interroger la mobilisation citoyenne autour d’enjeux politiques de gestion de l’eau à travers un levier sensible et culturel encore peu appréhendé par les acteurs et actrices de l’eau. Cette approche permet de questionner de manière innovante et inclusive la notion de politiques intégrées en invitant les différents acteurs et actrices de l’eau à se retrouver autour d’un terrain qui les dégagent de leurs seuls intérêts ou problématiques professionnelles. Elle nous amène ainsi à nous approprier la notion de “communs” à travers l’expérimentation de nouveaux formats d’action et angles de réflexion.
Cette recherche, impulsée depuis la société civile (ERB) associant chercheurs·ses, artistes, citoyen·nes, professionnel·les des territoires et élu·es, invite aussi à questionner la fabrique du savoir et la gouvernance par le commun. Les compétences méthodologiques et conceptuelles des scientifiques seront au service de ce travail de “tissages d’intérêts”, au service des territoires de l’eau, en même temps que leurs recherches pourront trouver dans les expériences menées des connaissances et des argumentaires en faveur (ou en nuance) de leurs hypothèses.