Pouvez-vous nous présenter votre parcours et nous dire ce qui vous a attiré vers l’étude de la nature ?
Enfant, je voulais être menuisier, j’ai donc un attachement de longue date à l’arbre. Les études en ont décidé autrement. J’ai fait un DEUG de géographie au campus Mazier de Saint-Brieuc, où j’ai eu le privilège de rencontrer Robert Bariou, un des fondateurs du laboratoire Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique (LETG-Rennes). Il m’a passionné par son approche de l’environnement, et j’ai décidé de m’investir dans cette discipline et la recherche est devenue, un peu naturellement, mon métier. J’ai été recruté à LETG en tant qu’ingénieur d’études CNRS, pour travailler sur les dispositifs d’observation comme la Zone Atelier Armorique. Issu du milieu rural, j’étais surtout investi sur les territoires agricoles, mais quand la ville a commencé à émerger comme une question de recherche particulièrement complexe, j’ai décidé de débuter une thèse sur le suivi et la caractérisation de la végétation en milieu urbain, sous la direction d’Hervé Quénol et de Laurence Hubert-Moy. Aujourd’hui ingénieur de recherche, je continue d’étudier l’impact des sociétés humaines sur le paysage urbain grâce aux images satellitaires.
La médaille de Cristal du CNRS « récompense celles et ceux qui, par leur créativité, leur maîtrise technique et leur sens de l'innovation, contribuent aux côtés des chercheurs à l'avancée des savoirs et à l'excellence de la recherche française ». Qu’est-ce qui fait, selon vous, l'originalité et l’importance de vos travaux ?
J’étais très surpris de recevoir cette distinction, je pense que de nombreux et nombreuses autres collègues la méritent autant, voire plus que moi. Cette distinction souligne mon engagement au CNRS et mon investissement depuis mon recrutement dans les dispositifs d’observation tel que la Zone Atelier Armorique et plus récemment au sein du service national d’observation (SNO) Observil porté conjointement par le CNRS et l’Université Gustave Eiffel. L’objectif pour moi est de développer des réseaux d’observations à une échelle nationale voire plus, et de développer un collectif suffisamment robuste pour accompagner les bouleversements en lien avec le changement climatique en milieu urbain. Aujourd’hui les acteurs du territoire, publics comme privés, manquent souvent de connaissance et de savoir-faire pour accompagner les changements qui se produisent plus rapidement que prévus. La ville pour nous est un chantier où certaines contraintes climatiques comme les îlots de chaleur urbain sont des préfigurations de certaines contraintes subies par la biodiversité à long terme. Il est essentiel pour nous de mieux connaître et mieux suivre ces milieux. Les objectifs du SNO et de la ZAA sont donc de mieux comprendre et modéliser les processus à l’oeuvre, puis d’en proposer une traduction opérationnelle pour accompagner la mise en œuvre des politiques publiques aux différents niveau d’intervention. En cela notre partenariat avec les territoires est essentiel pour développer des réponses locales à des problématiques plus globales.
Qu’est-ce que cette distinction vous apporte ? Quelles sont les prochaines étapes pour vos recherches ?
Cela ne change rien à mon quotidien, mais c’est une belle opportunité de porter à connaissance les travaux des équipes rennaises sur l’environnement urbain et d’interpeler sur la place de la recherche au service de la société. Je pense que la recherche n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui, et je crois que nous avons une place à prendre ou à reprendre vis à vis des grands enjeux de notre temps. Si la médaille peut servir à faire entendre cela, ce sera déjà beaucoup.
Aujourd’hui, je co-encadre trois thèses : sur la cartographie de l’état de santé des arbres par imagerie satellitaire avec la métropole de Rennes; une autre portant sur l’estimation du stock de carbone dans la végétation en ville (InstitutAgro/LETG); et une troisième qui aborde les questions de l’impact de l’augmentation de la diversité végétale sur la résistance de la biodiversité en milieu urbain (Ecobio/LETG).
Pour l’avenir, je souhaiterais collaborer davantage avec les autres disciplines présentes à Rennes 2, et faire du campus de Villejean un véritable observatoire. Les campus universitaires ont des fonctionnements propres ; on pourrait parler de petite ville dans la ville. Nous avons déjà installé certains capteurs permettant de recueillir des données, et nous utilisons le site dans le cadre de nos formations. Par exemple, j’ai des étudiant·es qui travaillent sur le campus dans le cadre de leur cours au suivi de l’arbre en 3D, au développement d’approche pour la cartographie de la pollution sonore ou lumineuse. J’envisage développer un partenariat avec l’EDUlab de Rennes 2 qui développe déjà des solutions sur ces aspects. Avec cette approche, non seulement ils apprennent, mais ils participent aux activités de suivis environnementaux en place sur le site.