En cette matinée ensoleillée de juin 2024, une petite équipe s’affaire dans un hangar des Halles en commun autour de ce qui fût des fenêtres simple vitrage. Issues du chantier de rénovation énergétique du campus Santé de Villejean, elles s’apprêtent à connaître une seconde vie, sous la forme d’une pergola ombrière. Ce sont, entre autres participantes*, des étudiantes du master CAPS qui l’ont imaginée et vont la construire, accompagnées par deux structures : les Animé·e·s, un collectif d'animation de l'espace public, et Bâti Récup’, une entreprise spécialisée dans le réemploi des matériaux du bâtiment.
Les fenêtres du bâtiment s'apprêtant à être démoli, dont l'équipe a décidé de réemployer les menuiseries aluminum. © Les Animé·e·s
D’abord, il a fallu “faire la liste des courses”, s’amuse Sofia Achiakh, architecte des Animé·e·s, c’est-à-dire “faire l’inventaire des éléments que nous allions pouvoir détourner”. Après un tour du bâtiment s’apprêtant à être démoli, l’équipe se décide à récupérer les menuiseries en aluminium, ainsi que les chemins de câbles, ces sortes de grandes gouttières en tôle ajourée que l’on trouve dans les faux plafonds ou les planchers pour faire passer les fils électriques. “En démontant les menuiseries, on a découvert de nombreux éléments à réutiliser, et pour l’instant nous n’avons besoin d’aucun ajout extérieur.”
© Les Animé·e·s
Une deuxième journée a justement permis d’expérimenter les nombreuses possibilités de ces matériaux. “En réemploi, c’est important de faire des tests sur la matière, abonde Isabelle Deshayes, responsable de la plateforme Bâti Récup’. Nous n’avons pas les mêmes données techniques que pour le neuf, nous ne savons pas comment vont se comporter des menuiseries posées depuis des décennies par exemple.” À l’issue de cette phase de co-conception, dessins et maquettes permettent d’imaginer une structure autoportée avec des moucharabiehs formant un parcours ombragé, ainsi que quelques astucieux éléments de mobiliers comme des sièges-hamacs faits de toiles très rigides de stores.
© Bâti Récup'
Place à la phase de construction de l’atelier, dans une optique “d’encapacitement des participantes”, qui vont devoir manier les outils de base de l’artisan·e pour percer, meuler, etc. “On veut transmettre notre culture du “faire”, de l’outillage”, commente Tom Sénécal, paysagiste concepteur et sculpteur des Animé·e·es, participant lui aussi au chantier : “On ne peut rien concevoir de nouveau sans connaître et travailler la matière, sans savoir que l’alu est plus tendre que l’acier par exemple.”
© Les Animé·e·s
Et c’est effectivement une première pour Ana Carolina da Cruz, une des étudiantes en M1 CAPS, pourtant architecte de métier. “J'avais déjà travaillé sur des phases de conception, mais je n'avais jamais participé directement à la fabrication moi-même, et encore moins en réemployant des matériaux. C'est vraiment génial de pouvoir le faire !”, sourit-elle, les mains gantées. Si elle a choisi cette formation et ce projet en entreprise, c’est justement en quête “d'une approche concrète et différente de ce que l'on voit traditionnellement en architecture, pluridisciplinaire et plus consciente de l'environnement, offrant la possibilité de créer de nouvelles expériences”. Quant à sa camarade Julie Borius, mue elle aussi par “la curiosité” et une conscience environnementale, il s’agit d’un avant-goût “du genre de choses qu’[elle] aimerait faire à l’avenir” : “Je travaille pour mon mémoire sur l’éco-construction, notamment avec la terre crue, donc le réemploi fait aussi sens pour moi.”
© Bâti Récup'
Après une présentation lors du Printemps de l’éco-construction à Rennes, le 15 juin 2024 aux Halles en commun, les fenêtres du bâtiment 5 devenues pergola reviendront sur le campus Santé de l’Université de Rennes, face à la bibliothèque. Cette réalisation sera peut-être la première d’une série, le projet ayant été pensé pour être réplicable sur tous les campus.
Le futur emplacement de la pergola ombrière sur le campus Santé de Villejean. © Les Animé·e·s
*L’atelier Tremplin du réemploi rassemblait des étudiantes du master CAPS et de l’École nationale supérieure d'architecture de Bretagne (ENSAB).