Date de publication
23 septembre 2025
modifié le

Caroline Muller nommée à l’Institut universitaire de France (IUF)

Maîtresse de conférences en histoire contemporaine, elle est nommée membre Junior de l’IUF, à partir du 1er octobre 2025, pour un projet de recherche sur l’histoire sociale et culturelle de la confession catholique au XIXe et début du XXe siècle.

Portrait de Caroline Muller

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux liens entre le genre et la religion, les deux champs principaux de vos recherches ?

Je me suis très tôt intéressée à l’histoire des femmes et du genre. En travaillant sur le XIXᵉ siècle, mon siècle de spécialité, je me suis aperçue que beaucoup de femmes avaient des pratiques religieuses très soutenues, alors même que les propositions de l’Église catholique me semblaient aller à l’encontre de leurs intérêts, en défendant un ordre patriarcal. Et je me suis demandée pourquoi. Ma thèse portait sur la direction de conscience : la manière dont les femmes choisissaient un conseiller spirituel, qu’elles rencontraient ou à qui elles écrivaient, et comment elles pouvaient transformer cet échange en espace de confidences, de conversation sur les difficultés à être obéissante ou à être une bonne mère, par exemple. L’espace d’encadrement et d’accompagnement spirituel devenait alors un lieu pour exprimer des désaccords, des inquiétudes, et s’offrir “un espace à soi”.

En quoi consiste le projet de recherche intitulé Une histoire sociale et culturelle de la confession (XIXᵉ siècle - début XXᵉ), pour lequel vous avez été nommée membre Junior de l’Institut universitaire de France (IUF) ?

L’idée est d’étudier la confession catholique donc le fait de se rendre au confessionnal pour énoncer ses péchés à son curé dans le but d’obtenir le pardon de Dieu (c’est l’un des sacrements) C’est une pratique qui a concerné (et concerne encore) des millions de personnes, même si nous l’avons un peu oubliée en raison du recul de la pratique religieuse catholique en France. Qu’est-ce qui faisait que des centaines de milliers de personnes trouvaient important de livrer le récit de leur vie morale à un homme d’Église ? Je cherche à analyser sa dimension collective et ses effets sur les relations sociales. Car au-delà de la pratique religieuse, c’est un terrain d’analyse exceptionnel pour comprendre comment se fabrique le lien social en France à cette période, et en particulier la notion d’autorité.

Le XIXᵉ siècle est passionnant pour ça : c’est un moment de diffusion et d’adaptation de nouvelles manières d’envisager les liens entre les personnes, de reformulation de l’autorité. Par exemple, en histoire des masculinités, les hommes sont poussés vers un idéal d’autonomie, vers le modèle de l’individu éclairé qui s'accommode mal avec la reconnaissance de l’autorité du curé sur soi, a fortiori sur la vie familiale et intime.

Cette approche d’histoire sociale permet de travailler sur une pratique qu’on pensait inatteignable en histoire, car la confession est orale, sans traces directes, et protégée par le secret spirituel, comparable au secret médical.

Ce projet s’appuie justement sur une documentation inédite. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Comme je n’ai pas accès aux paroles prononcées dans le confessionnal, je vais me pencher sur l’histoire des objets et de l’environnement matériel qui entoure la confession, par exemple le confessionnal.. Car il y a toute une série d’interactions et de questions matérielles qui se jouent autour : on y vient bien habillé, on se montre… Et l’Église répond en édictant des règles (quand venir, comment s’habiller, se tenir, etc.). Les files d’attente, décrites dans la presse à l’occasion de Pâques, sont aussi une source intéressante. 

Je vais également étudier les bulletins paroissiaux, ainsi que les correspondances avec l’évêque, c’est-à-dire les lettres et pétitions de paroissiens qui se plaignent de leur curé (“il est au café”, “j’ai attendu six heures dans le froid”, etc.). Ces dernières sont révélatrices de la façon dont des personnes avec peu de ressources, qui ne savent souvent pas écrire, se regroupent pour défendre leurs intérêts. Il existe également une littérature spécifique pour les enfants, conçue de manière ludique pour leur apprendre comment se confesser. Ma recherche va s’articuler autour de la question des publics : la confession selon le genre, l’âge, la position sociale.

Enfin, je vais travailler sur les “livres d’âmes”, ces registres où les curés consignaient les éléments essentiels de la vie des paroissiennes et paroissiens par famille : confessions, confirmations, réputation morale, parfois opinions politiques.. C’est une documentation qu’on pensait perdue. Un de mes axes de recherches portera ainsi sur le “métier” de confesseur, devant scruter sa paroisse, tenir son livre d’âmes, et produire ce que j’appelle une “statistique des âmes”.

Quels événements auront lieu en lien avec vos recherches ?

Plusieurs journées d’étude sont prévues, notamment sur les enfants et sur les masculinités. Je vais également proposer des ateliers ouverts au grand public en collaboration avec les Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, pour initier à la recherche à partir de documents liés à leurs familles ou leurs villages. Il est également prévu d’écrire collectivement un manuel de synthèse en histoire du catholicisme, un instrument de travail qui mettrait en valeur les nombreuses recherches menées ces dernières années, en particulier sur les liens entre genre et catholicisme.

    Mots clés
    v-aegirprod-1