Vendredi 23 janvier

Journée d'études "La fabrique cinématographique vue par le jeu vidéo"

L'unité de recherche Arts : pratiques et poétiques (APP) organise la journée d'études "La fabrique cinématographique vue par le jeu vidéo" le 23 janvier, à partir de 9h15, à l'amphithéâtre T1, sur le campus Villejean de l'Université Rennes 2.

Capture d'écran du jeu Blockbuster Inc. représentant un tournage de film
Légende

Crédits : Blockbuster Inc. (Super Sly Fox, 2023)

Contenu sous forme de paragraphes

Depuis que les chercheuses et chercheurs en études cinématographiques ont commencé à s’intéresser aux relations entre cinéma et jeux vidéo, leurs travaux ont principalement porté sur les rapports d’influences, mais aussi sur les différences qu’il pouvait exister entre le médium vidéoludique et le cinéma. Dans un contexte de légitimation académique, il s’agissait principalement de valoriser les spécificités esthétiques, narratives ou culturelles du jeu vidéo, tout en exposant et/ou interrogeant le rôle joué par le cinéma dans la conception et la compréhension de ses images. Mais il ne s’agit bien sûr pas de la seule manière d’aborder les liens entre les deux médias, comme en témoignent les nombreuses recherches consacrées à des questions de représentation, notamment à propos de films mettant en scène des dispositifs vidéoludiques, que l’on pense à Tron (Steven Lisberger, 1982), Wargames (John Badham, 1983), Level Five (Chris Marker, 1996), mais aussi à eXistenZ (David Cronenberg, 1999), Avalon (Mamoru Oshii, 2001), L’Autre monde (Gilles Marchand, 2010) ou encore Ready Player One (Steven Spielberg, 2018). 

Média relativement jeune, doté d’une réputation au départ peu flatteuse, le jeu vidéo représente alors un objet de curiosité dont les cinéastes participent à construire l’imaginaire social, entre conception guerrière et interrogation de notre relation au réel. Cette approche du jeu vidéo a ceci d’intéressant qu’elle permet de comprendre la manière dont un regard issu du cinéma appréhende ce média voisin en le nourrissant de ses propres préoccupations, quitte à s’éclairer lui-même en retour.

C’est pour cette raison que l’on peut être un peu surpris de constater combien le mouvement inverse, visant à interroger les représentations du cinéma depuis le jeu vidéo, s’avère beaucoup plus rare, pour ne pas dire inexistant lorsqu’il s’agit d’aborder les enjeux de sa fabrique (pré-production, production, tournage, etc.). Pourtant, de nombreux jeux se sont confrontés à cette question, sous des angles et dans des proportions variées, témoin d’une fascination pour un média dont la chaîne de production en vient parfois à éclairer celle du média vidéoludique, dans une sorte de double mise en abyme. Et même si les modalités de fabrication de l’un et l’autre tendent parfois à se brouiller à l’ère du numérique, il s’avère éclairant de remarquer combien l’image de la fabrique cinématographique véhiculée par le jeu vidéo correspond plutôt à une vision fantasmée, lorgnant sur le passé, bien éloignée par exemple des dispositifs de motion ou de performance capture, communs aux deux médias. C’est une conception résolument cinéphile qui parait dès lors s’incarner dans ces objets, une conception dont il s’agirait d’interroger les contours et les enjeux, afin de mieux comprendre les imaginaires cinématographiques dont se réclament les jeux vidéo.

Compte tenu de la diversité des jeux pouvant s’inscrire dans cette thématique, plusieurs axes de recherche sont envisageables. Super Mario 64 (1996) est par exemple l’un des premiers jeux à avoir introduit un personnage de caméraman au sein de son univers virtuel, diégétisant ainsi un dispositif de captation filmique, en plus d’incarner graphiquement un élément de gameplay. Il serait ainsi possible d’analyser la place de ces dispositifs de vision dès lors qu’ils s’incarnent dans la diégèse des œuvres (Outlast, 2013 ; The Lost Records, 2025), sans compter les jeux qui inscrivent concrètement ces caméras dans un environnement de production à grande échelle. Des jeux de gestion comme The Movies (2005), Filmmaker Tycoon (2023) ou encore Blockbuster Inc. (2023) illustrent en outre la dimension industrielle du cinéma puisque le but y est de bâtir et de faire prospérer un studio de production (souvent empreint d’un imaginaire hollywoodien). 

D’autres jeux – en apparence très éloignés – comme Root Film (2020) et L.A. Noire (2011), font en outre de la production filmique une composante narrative qui, de fait, détermine leur direction artistique. Dans Root Film, notre but est en effet de résoudre un meurtre ayant eu lieu sur le tournage d’une série télévisée là où, dans L.A. Noire, notre enquête nous amène à devoir visiter le décor abandonné du film Intolérance (D. W. Griffith, 1916). Mais cette phase de production, largement explorée par ces œuvres, ne saurait occulter l’intérêt de certains game designers pour l’étape de pré-production, voire celle des prémisses d’un tournage, que l’on suive la préparation mentale d’un acteur dans Layers of Fear 2 (2019) ou même l’écriture d’un scénario dans Lorelei and the Laser Eyes (2024). Et si un jeu en FMV (Full Motion Video) comme Faire un film avec Steven Spielberg (1996) nous donne la possibilité d’accompagner le réalisateur états-unien dans chacune des étapes de la production d’un de ses films, un autre jeu reposant sur des images tournées en prises de vues réelles comme Immortality (2022) nous permet, lui, de contrôler une interface de montage afin d’analyser les mystérieux rushes d’un film perdu, nous projetant plutôt du côté d’un imaginaire de la postproduction. Autant d’exemples (non-exhaustifs) sur lesquels il sera possible de prendre appui, et qui traduisent un rapport singulier au cinéma que cette journée d’études se propose d’analyser dans toute sa diversité, d’un genre vidéoludique à un autre, et tous types de gameplay confondus.

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