Comment les hommes des Lumières définissent-ils la paix ? Quelles en sont les conditions ? Les traités de paix entre les puissances ne sont-ils que des instruments qui préparent de futurs conflits ou bien sont-ils l’expression d’un esprit de réconciliation ? De Fénelon à Kant, les « philosophes » critiquent la diplomatie des rois mais défendent aussi l’idée que les traités de paix peuvent exprimer une forme de « ruse de la nature » qui va dans le sens de l’émergence d’un droit des gens et des nations supérieur à celui des princes. La Révolution française qui proclame le principe de la souveraineté nationale — principe rejeté par les puissances européennes — marque-t-elle une inflexion ou une rupture avec les principes et les formules de l’art de la paix sous l’Ancien Régime ?
Le Cours public 2026
Le thème du cours public 2026 est "Des États de paix"
Coordination Patrick Harismendy, Professeur émérite d’histoire contemporaine
Université Rennes 2 / CRBC
Pour péremptoire qu’elle pouvait être, la fermeture des Portes de la Guerre, à Rome, ne préjugeait pas d’un retour à la stasis, mot grec conjoint à la physique et à la physiologie. Comme, désormais, est révoqué le triptyque « paix, crise, guerre », au profit de « compétition, contestation, affrontement » mieux à même de rendre compte d’instabilités et d’imprévisibilités parcourant l’environnement fragmenté et fortement concurrentiel devenu le nôtre, ainsi que le suggère le général Thierry Burkhard, alors que l’image gentillette du village mondial, postulant l’entraide entre voisins, n’est plus de saison. De même, l’Histoire des Relations internationales, faite d’en haut et par en haut a dû s’ouvrir aux travaux interrogeant successivement après-guerres, post-guerres, sorties de guerre marquant la dilatation du temps à travers les processus de transition. L’interrogation de complexités allant des reconstructions aux retours des prisonniers, aux procès de culpabilités et de mémoires aux conséquences économiques ou culturelles durables est centrale, tout comme le changement plus ou moins radical des horizons politiques en résulte bien souvent. Mais, pour quantifiables que peuvent être les coûts de la paix, en passant par migrations forcées, abandons territoriaux, tribut au vainqueur ou perte pure et simple de souveraineté, ils travaillent aussi sociétés et individus en profondeur avec les cortèges d’humiliation, d’intolérance, de ressentiment ou de traumas, avérés ou mythologisés propres à réembraser les conflits ; y compris par les venins communautaristes ou nationalistes. La paix n’est donc ni une catégorie, ni un invariant, mais reflète, selon les époques, les possibles de vivre ensemble selon des règles ne pouvant ignorer les psychés des uns et des autres. La difficulté, pour l’historien, est de trouver ou maintenir la bonne distance entre la multiplication d’outils d’analyse à sa disposition et la conservation de la contemporanéité propre à la période examinée. Et la nôtre est, aussi, celle d’une maison qui brûle…