Comment est né le projet ?

Avec Tristan Deplus, artiste et pédagogue du groupe rennais de pédagogie et d’animation sociale (GRPAS), et Hélène Bailleul, maîtresse de conférences en aménagement de l’espace et urbanisme, nous avons répondu à l’appel « Émergences » au début de l’année 2023. C’est un appel qui finance des projets au croisement de la science et de la société civile, c’est-à-dire impliquant des chercheur·ses mais aussi des décideur·ses, et la société civile. Notre point de départ était d’interroger le rapport des enfants à leur quartier et aux espaces publics de manière générale. Comment s’en servent-ils ? Ces espaces constituent-ils des ressources pour leur bien-être, leur autonomie, etc. ?  Dès le départ, notre parti pris a été celui de l’interdisciplinarité et d’une approche expérimentale. Nous sommes partis des observations du GRPAS, dont l’action à Villejean a débuté en 2022 avec l’obtention du label Cité éducative. Ce dernier est attribué à certains territoires prioritaires dans le but de renforcer les actions en faveur de l’accompagnement des enfants et des jeunes à l’échelle d’un quartier. Par exemple, les pédagogues de rue ont constaté que les enfants âgés de 6 à 11 ans semblaient plus éloignés des infrastructures et des équipements d’animation, certains étant accessibles à partir de 12 ans seulement.

Comment s’est déroulé le projet ?

La particularité de notre enquête, c’est que ce sont les enfants eux-mêmes qui l’ont menée, avec pour objectif de les initier à la recherche ethnographique. Ils sont allés durant 6 mois, de février à juillet 2023, dans les espaces de vie de leur quartier avec des carnets, des enregistreurs et des appareils photo pour collecter des données : notes, dessins, sons, photos, etc. Nous nous sommes concentré·es sur le secteur Guyenne, par volonté d’étudier d’autres espaces que la dalle Kennedy, d’aller à la « périphérie de la périphérie ». Grâce au lien de confiance établi avec les pédagogues du GRPAS, les enfants impliqués sont passés d’une simple initiation aux outils à une vraie démarche d’enquête. Elle s’est d’ailleurs élargie au « voisinage » : les enfants sont allés découvrir l’Université Rennes 2 et d’autres lieux de vie rennais.

Parlez-nous de la carte qui a résulté de cette enquête.

Lorsque nous avons mis tous ces matériaux en commun, la carte nous est apparue le meilleur média pour valoriser cette polyphonie d’expériences sensibles du territoire. Il s’agit à la fois d’une création artistique représentant le quartier au prisme du regard des enfants, et d’un objet médiateur pour soulever des questionnements. Par exemple, cela nous permet d’étudier le périmètre de leurs espaces vécus, les frontières physiques ou symboliques, les zones infranchissables, etc. Nous avons choisi de restituer la démarche auprès des habitant·es du quartier, et de présenter nos résultats au sein de l’atlas social de la métropole rennaise. Nous avons ainsi organisé une exposition sur le campus Villejean pour montrer la carte, accompagnée de sons issus d’une banque de 250 enregistrements produits par les enfants et diffusés de manière aléatoire pour recréer l’ambiance de la rue. L’idée est, dans un second temps, de transformer le résultat en une carte interactive accessible en ligne.

En travaillant avec des acteur·rices qui ne sont pas du monde académique, notre volonté était aussi de réfléchir à nos postures de recherche, et à les adapter pour qu’il ne s’agisse pas seulement de documenter des situations, mais aussi que chacun·e puisse agir et les transformer quand elles sont jugées insatisfaisantes.