Date de publication
12 novembre 2024
modifié le

Les lignes d’écoute et vous : partagez votre expérience

Le laboratoire PREFICS mène depuis 2018 une recherche sur l’utilisation des dispositifs d’aide (SOS Amitié, Stop Suicide, etc.). Aujourd’hui soutenue par l’ANR, l’équipe lance un large appel à témoignages. Gudrun Ledegen, enseignante-chercheure en sciences du langage, nous détaille ce projet de grande ampleur destiné à améliorer ces services. 

portrait de Gudrun Ledegen
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Gudrun Ledegen. Crédit : Bertrand Cousseau

En quoi consiste ce projet ANR dédié aux lignes d’écoute ? 

Nous nous intéressons aux interactions entre les personnes qui contactent des dispositifs d’aide tels que SOS Amitié, Stop Suicide ou autre, et les personnes qui leur répondent. Et plus précisément aux mots, le principal “matériel” utilisé dans ce contexte : après un premier volet en communication, nous abordons ces interactions avec une approche sociolinguistique et d’analyse du discours. Nous cherchons à comprendre comment fonctionne le dispositif mais aussi pourquoi une personne va privilégier le téléphone, le mail ou le chat. Selon le médium, même si le discours de l’écoutant·e est le même, l’interaction est nettement différente.   

Vous menez des recherches depuis plusieurs années sur ce sujet. Quels sont les principaux enseignements de vos travaux ? 

Une des hypothèses, que nous essayons justement de vérifier, est que ce dispositif a une vraie utilité - en complément d’autres aides, notamment de professionnel·les de la santé mentale. Les personnes qui contactent ces lignes ne peuvent pas toujours « vider leur sac » auprès de leur entourage, ni d’un·e psychologue, et le dispositif fait office de sas, parce qu’il permet une écoute “sans lendemain” par une personne inconnue, qui ne porte pas de jugement. 

Nous avons remarqué par exemple que les jeunes préfèrent le chat, car ils et elles considèrent la conversation téléphonique comme “trop réelle” : le chat est comme un sas de sécurité dans lequel on expose moins ses émotions portées par la voix. À l’inverse, pour les personnes plus âgées, le monde de l’écrit équivaut surtout à un registre formel, distant : ils ont du mal à y exprimer leurs émotions, à « papoter ». 

Nous avons aussi pu observer que les phénomènes d’emballement des émotions (tristesse, colère) se traduisent souvent par l’usage de mots familiers, très souvent encadrés par des excuses ou des guillemets. Ou bien que les personnes appelantes manifestent de rares fois leur mécontentement par de l’ironie. 

Quels sont les objectifs du projet ? 

Nous bénéficions d’un financement ANR Science avec et pour la société (SAPS), qui implique une phase de rencontre avec les associations. Il faut savoir qu’elles n’ont que peu de retours de la part des personnes qui ont recours à leurs services. J’ai en tête le témoignage d’une écoutante de longue date qui avait eu une conversation jusqu’au milieu de la nuit avec un appelant, et avait raccroché sans savoir si elle avait réussi à l’aider et ce qu’il allait devenir. C’est une situation très courante et une inquiétude avec laquelle les écoutantes et écoutants sont habitués à vivre. Mais des années plus tard, elle avait reconnu son interlocuteur qui témoignait dans la presse et remerciait la personne de l’association qui lui avait été d’une aide précieuse… Elle en était très émue. L’objectif, c’est donc de mettre en lumière la pertinence du travail de ces bénévoles, qui permet d’éviter des actes très graves. Et plus largement, de casser les stéréotypes sur la santé mentale, qu’aller voir un·e psy signifie être fou ou folle, ou qu’appeler une ligne d’écoute est un aveu d’impuissance. 

L’un des buts est aussi d’améliorer leurs services. Je viens de citer plusieurs indices de mal-être (mots familiers, ironie) qui peuvent être intégrés dans la formation d’écoute des bénévoles, par exemple. Nos recherches ont aussi montré que via le chat ou le mail, les tournures trop formelles fonctionnent moins bien, car l’écrit instaure déjà de la distance dans l’interaction. Mieux vaut donc privilégier des formules moins recherchées, qui peuvent par ailleurs passer très bien à l’oral avec un ton de la voix les accompagnant. Nous avons aussi des petits bijoux de gestion d’une émotion négative par un ou une écoutante, qui va réussir, grâce à l’identification d’une émotion positive, à amener l’humour dans la conversation : dans ce bref moment, la personne qui appelle arrive à mettre des mots sur son mal-être et à terminer la conversation en se sentant mieux - cette “technique” peut servir d’exemple et être utilisée par d’autres. 

Qui peut participer à votre recherche et selon quelles modalités ?

Toute personne de plus de 18 ans qui a fait l’expérience par le passé d’une sollicitation d’une ligne d'écoute. L’idée n’est pas du tout de poser des questions intrusives sur leurs soucis ou difficultés, mais simplement de comprendre pourquoi elles et ils se sont tournés vers un dispositif de ce type, quel médium ils ont privilégié (téléphone, chat ou mail), et de décrire la façon dont cela s’est déroulé. Il y a deux modalités de participation : soit via un entretien d’environ une heure (en présentiel ou en distanciel) soit via un témoignage écrit. Dans tous les cas, l’anonymat et la confidentialité sont pleinement garantis. 

Participez à l’enquête ou envoyez directement votre témoignage en écrivant à prefics-lignes-ecoute [at] univ-rennes2.fr (prefics-lignes-ecoute[at]univ-rennes2[dot]fr)

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