La poésie est loin de n’être qu’une affaire d’hommes ! Avec son anthologie très personnelle « Je serai le feu », Diglee nous emmène dans ce qui a été pour elle un voyage, une épiphanie : la découverte d’un matrimoine littéraire oublié et méconnu d’œuvres de poétesses, principalement du XIXe et XXe siècles. Cinquante femmes, devenues sa famille, dont elle exhume les écrits pour leur redonner une seconde vie.

À l’image de l’autrice, la violoncelliste Héloïse Luzzati est une « passeuse ». Avec l’association Elles women composers, regroupant un collectif d’artistes, elle travaille à la réhabilitation du matrimoine musical et à la diffusion des répertoires de compositrices invisibilisées, effacées de l’histoire.

Il n’y avait donc qu’un pas pour réunir ces deux univers artistiques en une création qui prend la forme d’une lecture musicale dessinée, hautement poétique.

Mis en scène, incarnés et incantés par la comédienne Sophie Daull pour lesquels elle prêtera sa voix, les vers des poétesses Rosemonde Gérard, Anna de Noailles, Marceline Desbordes‑Valmore, Louise de Vilmorin ou encore Marina Tsvetaeva (re) trouveront leur correspondance musicale.

Alternant entre duo ou trio, la violoncelliste Héloïse Luzzati, la pianiste Laurianne Corneille, et la chanteuse mezzo soprano Fiona McGown joueront ces compositions inconnues de tous·tes, sous la plume de Diglee qui, quant à elle, dessinera en direct et redonnera un visage à toutes ces poétesses injustement oubliées.

INTERVIEW D'HÉLOÏSE LUZZATI, VIOLONCELLISTE ET FONDATRICE DE L'ASSOCIATION ELLES - WOMEN COMPOSERS

Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet réalisé en co-production avec l’association Elles women composers, qui met en scène et en musique les vers de poétesses oubliées ?

Héloïse Luzzati. J’ai été contactée par le festival Hors limites qui souhaitait créer une version scénique de la sublime anthologie de Diglee. Ils avaient connaissance de mon travail de recherche et de mise en valeur des œuvres des compositrices et ont pensé, à raison, que ce serait une belle collaboration avec Diglee ! Puis la rencontre s’est faite également avec Sophie Daull, merveilleuse comédienne qui a sélectionné, avec la complicité de Diglee, les poésies du spectacle.

Comment s’est fait le travail de collaboration entre les artistes liées à ce projet qui mêle lecture, musique et dessin ? Quelles ont été les étapes de création ?

H. L. De mon côté j’ai passé du temps à chercher des mélodies de compositrices (ou compositeurs) mises en musique sur des textes des poétesses sélectionnés par Diglee dans son anthologie. Nous nous sommes retrouvées ensuite avec mes collègues musiciennes pour lire ces partitions et sélectionner celles qui nous semblaient les plus intéressantes, les plus inspirantes pour ce projet. Enfin, la rencontre entre nous toutes a permis de se découvrir, d’apprivoiser nos sensibilités respectives et de déterminer la forme que prendrait « Je serai le feu » sur scène ! Nous, musiciennes, découvrons, par les lectures de Sophie, des poétesses qui nous étaient parfois inconnues et Diglee a commencé à projeter ce que seraient ses dessins en découvrant la musique. Ce fut un moment d’une très belle intensité à la fois artistique et humaine…

Quels ont été vos fils conducteurs lors de la mise en musique de ces poèmes ? Pouvez-vous nous parler du répertoire de compositrices mis à l’honneur ?

H. L. Nous avons choisis ensemble plusieurs grands fils qui tissent la trame de ce programme comme la mort, le sommeil, la nature… Les compositrices choisies ont toutes écrit sur des vers de poétesses. Nous avons souhaité varier les formations : voix et piano, violoncelle et piano, voix et violoncelle… et travailler sur la fluidité entre les poèmes et la musique. Ainsi la musique de la compositrice Charlotte Sohy aux couleurs nostalgiques et impressionnistes rencontre les rêveuses mélodies de Marguerite Canal ou Cécile Chaminade pour les françaises. Amy Beach et Carrie Jacobs-Bond, deux pionnières américaines à la jonction du XIX^e et du XX^e siècle, sont respectivement l’une des premières femmes à avoir une symphonie joué par un grand orchestre aux États-Unis et l’autre créa sa propre maison d’édition avec un succès fulgurant puisqu’elle vendit sa mélodie « A Perfect Day » à plus de 25 millions d’exemplaires ! Nous avons également choisi des poèmes mis en musique par des compositeurs comme Dmitri Chostakovitch ou Camille Saint-Saëns ; outre que nous aimions beaucoup les mélodies choisies, nous avions à cœur de faire découvrir au public ces poétesses mises en musique également par des hommes.

Elles - Women Composers

Elles – Women Composers propose un champ d’action à 360° pour pallier l’absence des femmes dans les programmations musicales aujourd’hui. La pierre fondatrice de toutes les actions de production, de médiation ou de diffusion repose sur le projet de recherche, d’exhumation de manuscrits et de lecture des partitions.

Un collectif d'artistes met à jour quotidiennement des oeuvres injustement évincées ou ignorées du répertoire qui ne figurent ni à l’édition, ni à l’enregistrement, ni au sein des programmations. C’est à partir de ces découvertes que sont construits leurs dispositifs d’action pour restituer au plus grand nombre ce répertoire inouï.

Pour découvrir plus de compositrices, rendez-vous sur :

elleswomencomposers.com