
© Estelle Chaigne
L'espace d'exposition de la galerie art & essai est actuellement fermé pour travaux dans le bâtiment de la BU sur le campus Villejean. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette résidence hors les murs ?
C’était un défi. Cela m’a sortie de ma zone de confort. Je me suis frottée à d’autres univers et cela m’a permis d’expérimenter des modalités de circulation des œuvres d’art et de monstration différentes. La galerie art & essai m’avait donné carte blanche pour cette résidence. C’est à la fois agréable et vertigineux d’avoir une totale liberté dans la création. Je me suis retrouvée au sein du campus, qui est une ville dans la ville. Il m’a fallu cerner cet espace. Assez vite, je me suis intéressée au Métronome, le restaurant universitaire du CROUS.
Qu’est-ce qui a capté votre attention au Métronome ?
C’est un organe vital du campus, un espace de socialisation et de transmission des savoirs, même si ce n’est pas un espace académique. Au sein du Métronome, il y a un vrai brassage de personnes, de paroles, d’échange d’informations. Pour creuser la relation que j’entretenais avec cet espace et pour m’imprégner du lieu, j’ai mis en place un rituel en allant y déjeuner au moins une fois par semaine. J’ai observé la spatialisation, les équipements, les services proposés, les gestes associés à ces services et j’ai capté des bribes de conversation. Le temps d’une journée, de 6h du matin à 15h, j’ai exploré les coulisses du Métronome, aux côtés des personnes qui y travaillent. J’ai assisté à la conception et à la production des repas, je me suis rendue dans la pièce de plonge, j’ai regardé les machines et les systèmes inventés pour laver la masse de vaisselle et de plateaux. J’ai été particulièrement séduite par le tapis roulant qui amène les plateaux à la plonge : j’ai immédiatement imaginé un défilé de sculptures sur ce convoyeur.
Quelle forme va prendre la restitution que vous avez programmée le 27 mars ?
Après avoir été mon espace de recherche, le Métronome devient mon espace d’exposition. J’ai voulu y insérer mon travail tout en intégrant la routine du lieu. Il n’était pas question pour moi de percer les murs ou de modifier l’enceinte, mais plutôt de me saisir de l’existant. Sur les écrans dynamiques, je vais projeter des photomontages qui défileront en alternance avec les menus du jour. À partir de 17h, le public sera accueilli dans la salle à manger, transformée en salle d’exposition éphémère, pour observer la douzaine de sculptures que j’ai réalisées à l’échelle d’un plateau-repas du CROUS. Il s’agit d’assemblage d’objets homogénéisés et figés à l’aide d’une bande plâtrée, par-dessus lesquels j’ajoute une couche de silicone. Avec l’aide des employés du CROUS, j’ai prévu de faire acheminer les sculptures vers le convoyeur. Après ce défilé de sculptures sur le tapis roulant, la performance s’achèvera par une lecture de Thomas Dunoyer de Segonzac qui viendra clore la restitution. À cette occasion, nous distribuerons aux étudiantes et étudiants une édition d’images et de poèmes que j’ai composés, dont le graphisme a été pensé en collaboration avec Marion Bonjour de l’Atelier Téméraire.