© Emmanuelle Corne / FMSH
Le prix Mattei Dogan 2023 est attribué à Daniela Duran et Jean-Christophe Balois-Proyart.
La cérémonie de remise de prix est prévue à Paris, le mercredi 29 novembre à 18h.
Expertise et politique au cœur de la coopération au développement France-Chili : le bureau d'études IRAM dans la Réforme agraire chilienne (1964-1973)
Daniela Duran, ERIMIT - Université Rennes 2
Cette recherche porte sur l’intervention de l’Institut de recherche et d’applications des méthodes de développement (IRAM) dans la Réforme agraire chilienne entre 1964 et 1973. Cette étude anthropologique amène à analyser le champ de la « coopération technique française au développement » mise en place sous l’impulsion de Charles de Gaulle. La coopération technique est née comme un corollaire de la reconversion du lien colonial français avec l’Afrique, dans le contexte des indépendances africaines dans ledit « Tiers Monde ». De Gaulle a cherché à exporter cette influence française en Amérique latine et a entamé un dialogue avec le projet démocrate-chrétien chilien dirigé par Eduardo Frei (1964-1970).
Cette recherche pose les jalons d’une analyse de la circulation des théories du développement (fortement imprégné par le débat structuraliste latino-américain), et des méthodologies d’intervention socio-éducative en milieu paysan. Cet aspect est d’ailleurs plus remarquable à cause de la multi-dimensionalité de l’organisme IRAM : à la fois organisation militante tiers- mondiste, entreprise de coopération et bureau d’études, l’IRAM a réalisé un effort de synthèse de son expérience dans les projets de développement du « Tiers Monde ». À travers la production intellectuelle de son Secrétaire général pour l ‘Amérique latine, Yves Goussault, le bureau s’est insérée directement dans un champ disciplinaire émergent en parallèle (et grâce à) la coopération technique : les études sociales du développement.
Ouvriers et fabricants au temps du capitalisme marchand. De la désincorporation des métiers à l'incorporation du travail (France, 1789-1848)
Jean-Christophe Balois-Proyart, IDHE.S - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Cette recherche s’inscrit dans les pas des courants historiographiques qui depuis les années 1970 ont remis en cause le récit de la Révolution industrielle. Cette Révolution était jusqu’alors considérée comme une révolution technologique et énergétique ayant entraîné dès le début du XIXe siècle mécanisation du travail, concentration de la main-d’œuvre et instauration d’une discipline usinière. Cette révolution n’aurait pu avoir lieu qu’après le triomphe du libéralisme économique. Depuis les années 1970, les historiens ne cessent pas de tirer les conséquences de ces révisions au point que s’est imposée l’idée que la première phase de l’industrialisation a eu lieu dans le cadre d’une organisation économique et sociale spécifique modélisée comme un capitalisme marchand. Dans cette organisation le partage de la valeur se joue principalement dans le contrôle des approvisionnements et des débouchés. L’apparition du capitalisme industriel a dès lors été repoussée en aval, pour la France au-delà du milieu du XIXe siècle.
Mais les relations de travail et leur régime de régulation n’ont pas constitué un champ d’étude majeur pour les historiens analysant les ressorts de ce capitalisme marchand. Néanmoins, plusieurs auteurs ont avancé l’hypothèse que ces relations de travail sont de type marchand ou pour le dire autrement que le contrôle du travail est un contrôle de type commercial. Ces études n’avaient toutefois pas pris pour objet de manière systématique les relations entre donneurs d’ouvrage et preneurs d’ouvrage au cours de la première phase d’industrialisation. C’est bien cette hypothèse d’une organisation et d’une discipline marchandes du travail que j’ai voulu éprouver pour la France entre la désincorporation des métiers, qui a lieu pendant la Révolution française, et le milieu du XIXe siècle.
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