Date de publication
5 juin 2023
modifié le

"Le mot-clé du master CAPS, c’est « participatif » !"

Emmy Florentin, Lucile Latreille et Élodie Le Bars font partie de la première promotion du master Approches créatives de l'espace public (CAPS) de l’Université Renne 2, qui forme des professionnel·les à accompagner, concevoir, réaliser et évaluer les interventions artistiques et sociales dans l’espace public. Elles ont mené cette année un projet de Rue aux enfants à Guichen-Pont-Réan.

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les étudiantes du master EUR CAPS
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Élodie Le Bars, Emmy Florentin et Lucile Latreille au Bois Perrin.

Pouvez-vous vous présenter et nous expliquer pourquoi vous avez choisi d’intégrer le master CAPS ?

Emmy Florentin, Lucile Latreille et Élodie Le Bars : Nous venons toutes et tous de filières différentes, à l’image de l’ensemble de la promo. Après une formation en sociologie à Toulouse, Emmy, 22 ans, a été attirée par une approche sociale du terrain différente. Lucile, 23 ans, a suivi une licence en sciences politiques à Lyon et en Autriche, ainsi qu’un service civique en Allemagne dans un mini-musée qui sensibilise différents publics à l’architecture et au paysagisme. Marquée par cette expérience, elle a choisi le master parce qu’il mêle les sciences politiques à cette sensibilisation à la culture du bâtiment. Elle aimerait plus tard créer une structure de réinsertion sociale pour familles immigrées sur du long terme, reposant sur l’apprentissage de la langue, mais aussi de la culture du pays à travers les films, les bandes-dessinées, etc. À 36 ans, Élodie est, quant à elle, en reprise d’études, issue des métiers de la médiation et de la communication dans le secteur culturel et le tourisme. Pour elle aussi, ce master propose une convergence de disciplines qui l’intéressent, et une articulation des sciences humaines et sociales et des arts, des champs qu’elle explorait déjà dans ses expériences aussi bien professionnelles que personnelles. Elle a une appétence pour la danse et l’écriture, et ne se ferme pas la porte de la recherche.

Parlez-nous de votre projet de Rue aux enfants. Qui a fait appel à vous et pourquoi ?

Le mot-clé du master CAPS, c’est « participatif » ! L’idée est d’impliquer les citoyennes et citoyens dans l’urbanisme du territoire qu’ils habitent à travers différents types d’interventions. On estime que l’expertise vient aussi des personnes qui habitent les territoires ; on parle d’ailleurs non pas de « maîtrise d’ouvrage » mais de « maîtrise d’usage ». La coopérative en urbanisme culturel Cuesta collabore avec le master CAPS via un projet en entreprise facultatif proposé à un groupe d’étudiant·es. Notre mission était de concevoir avec Cuesta un projet de Rue aux enfants pour la commune de Guichen-Pont-Réan, dans le cadre de son évolution vers une ville plus durable en 2050. Certaines villes françaises comme Bordeaux ou Grenoble sont pionnières en matière de projets d’urbanisme à hauteur d’enfants, avec par exemple des rues piétonnisées aux abords des écoles, des cours dégenrées et végétalisées, etc. Et la méthodologie correspond exactement à ce qui nous est enseigné dans le master pour repenser les outils de recueil et d’évaluation des besoins : au lieu de mener des entretiens comme en sociologie, Cuesta a organisé des parcours avec des groupes d’enfants des deux écoles de Pont-Réan, dans les lieux qui étaient principalement fréquentés par les enfants sur les temps scolaires et périscolaires. Ces balades ont été suivies d’un temps de médiation avec les enfants puis avec leurs parents, lors duquel nous avons intégré le projet, pour présenter ce qui avait été relevé.

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rue aux enfants Guichen
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© Cuesta

En quoi a consisté votre travail concrètement ?

Après cette première étape, nous avons exploité les restitutions des enfants pour trouver des axes de recherche et commencer une veille documentaire et d’inspiration. Nous avons constaté qu’il y avait plusieurs manières de proposer aux enfants de se réapproprier l’espace public, et cet hiver nous avons proposé deux options réalisables en termes de budget et de délai aux élu·es de la commune. Elles et ils ont opté pour notre idée de transformer le chemin qui sépare les deux écoles de Pont-Réan. Il s’agit d’un passage herbeux et arboré qui figure dans un parcours de trame verte sur lequel la paysagiste Léa Muller est actuellement en train de travailler pour Cuesta. Nous nous ensuite sommes réunies régulièrement avec ou sans Cuesta pour établir les actions et construire une argumentation. Nous avons essentiellement travaillé sur la conception du projet, tandis que Ludivine Lucas, urbaniste culturelle chez Cuesta, s’est chargée de l’aspect opérationnel. Le chantier s’est déroulé en mars durant une semaine entière, impliquant les classes des deux écoles de la maternelle au CM2, des parents et des enseignan·tes bénévoles. Un parcours de motricité a été installé avec les services techniques de la ville, avec des rondins, des rondelles de bois et des palettes – des éléments ludiques dont le but est de laisser davantage de place à l’imagination que les aires de jeux plus classiques. Le mur en béton qui borde le chemin a été peint en bleu et orange, des cabanes ont été construites, une signalétique a été mise en place pour indiquer les repères importants pour les enfants (boulangerie, école, etc.) et des règles dont certaines anti-parents ! D’autres actions ont été menées en parallèle par Cuesta comme la composition d’une chanson commune aux deux écoles avec la collaboration de la poétesse Claire Laurent, ou le défi de venir sur le chantier autrement qu’en voiture. Bien sûr, il y a des différences entre ce qui était prévu et ce qui s’est passé. Mais les actions qui n’ont pas été réalisées vont servir de pistes et de préconisations aux élu·es.

Que retirez-vous de cette expérience ?

Elle a concrétisé tous les cours que nous avons eu au premier semestre, en termes de gestion de projet, de recueil de données, de compréhension de la notion d’urbanisme participatif, etc. Cuesta a rendu le tout réel, avec un projet d’ampleur qui nous a bien montré la complexité et la richesse d’une telle expérience. De nombreux partenaires sont impliqués, qui ont parfois des souhaits non réalisables – les enfants voulaient installer une tyrolienne [rires] ! Il faut apprendre à faire des compromis pour prendre en compte l’avis de tout le monde. C’est très intéressant.

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rue aux enfants Guichen
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© Cuesta

Quels sont les autres projets du master ?

Nos locaux sont situés au Bois Perrin, dans l’ancien site du centre hospitalier Guillaume Régnier, qui héberge différentes associations ainsi que des personnes en situation de précarité. Nous menons donc à la fois des actions sur place avec des associations comme Cœur Résistant ou la Croix Rouge, comme un atelier de réparation de vélos, et dans d’autres quartiers avec d’autres partenaires. Par exemple, nous avons réalisé une création sonore avec le collectif Ars Nomadis à partir des sons de chantier du nouveau quartier Baud-Chardonnet. Il y a une forte dimension artistique dans le master, qui cherche vraiment à lier l’urbanisme et les arts plastiques.

Pour conclure, que retenez-vous de votre première année de master ? Que conseilleriez-vous à des personnes qui envisagent de l’intégrer ?

C’est une formation très riche et intense, durant laquelle nous sommes en contact avec des partenaires et des publics très divers. Différents lieux et niveaux d’implication sont possibles… à condition d’être ouvert·e d’esprit ! La curiosité, c’est le point commun de toutes les personnes de la promo. Nous sommes loin du cadre académique classique : on créé, on expérimente, on déconstruit nos croyances limitantes, on acquiert des nouveaux outils de réflexion ; on arrive avec des idées, on repart avec d’autres [rires] ! Il y a vraiment un déplacement de points de vue, grâce à des intervenant·es d’horizons très variés, à l’image de l’espace public qui est en mouvement constant. Nous travaillons par exemple dans certains modules sur les manifestations, c’est-à-dire que nous sommes en lien avec l’actualité et des savoirs qui ne sont pas figés. Par conséquent, cela demande aussi une grande flexibilité.