Les travaux sont dirigés par madame Gudrun LEDEGEN.
Titre des travaux : Les récits obituaires dans la presse écrite réunionnaise : affects, axiologies, ritualités et identités. De la crise requin aux morts quotidiens
Résumé :
Cette thèse en sciences du langage a pour objet d’étude la sémiotisation de la mort dans la presse écrite réunionnaise (Le Quotidien de la Réunion et Le Journal de l’Île) pendant la « crise requin réunionnaise » (Thiann-Bo Morel, 2019 ; Losen, 2021) de 2011 à 2012. Elle propose à travers la description et l’analyse d’un corpus sensible (Ruchon, 2015) de mettre en lumière et en théorie (Paillé,1994) la construction narrative et discursive des récits obituaires et également le processus de sémiotisation des « affects-valeurs » que ces récits construisent et diffusent à l’endroit des communautés d’interprètes (Simonin, Ledegen, 2010). Notre démarche anthropolinguistique et herméneutique (Blanchet, 2012) nous a permis de proposer un modèle conceptuel de la construction des affects collectifs dans les récits obituaires médiatiques réunionnais, récits qui agissent comme des prescripteurs-régulateurs d’affects et de valeurs partagés, qui permettent d’agréger les communautés « émotionnelles » (Rosenwein, 2011) et de les engager dans un« travail religieux » (Lafon, 2011), qui se matérialise dans un espace public sui generis que nous avons conceptualisé comme : espace-temps collectif rituélique symbolique, qui « participe à la sociabilité créole qui est celle du kartié en s'appuyant sur les éléments structurants de la vie sociale réunionnaise » (Simonin, Wolff : 2010 : 58), dont la mort constitue un pivot socioculturel fondamental (Dussol, 2003). Cet espace-temps collectif rituélique symbolique est le réceptacle de la ritualité sociétaire-communautaire réunionnaise (Simonin, 1999, 2001), il est également l’enjeu de luttes identitaires que le dialogisme « montré et interactionnel » (Moirand, 2007) mis en relief dans l’hyperstructure (Moirand, 2007) des récits médiatiques. Aussi la « crise requin » réunionnaise a été le théâtre de luttes anthropolinguistiques ethnicisées (« créole », versus « zoreil », Thiann-Bo Morel, 2019), que l’inscription de notre corpus dans la temporalité de la crise requin, et des morts afférents, nous a permis d’intégrer à notre objet de recherche de départ. Ce qui nous a conduit à approfondir la compréhension du processus de co-construction et de légitimation des morts-collectif « méritant » (Foucault, 1977) accédant à l’espace-temps collectif rituélique symbolique élargi (faisant consensus dans l’ensemble des communautés identitaires), à contrario des morts « contestés » qui seront limités à leurs communautés d’affiliation, à l’instar des pratiquants de surf décédés à la suite d’une attaque de requin(s) entre juin 2011 et juillet 2012. La graduation des différents morts, ainsi que la reconnaissance des morts à forte « valeur » anthropologique, au sein des communautés d’interprètes reposent en grande partie sur le processus d’adhésion, affective, axiologique des communautés d’interprètes aux récits obituaires, processus qui semble consubstantiel à une dialectique de reconnaissance identitaire synecdochique (Mariau, 2014, 2016) des membres-interprètes avec le « mort » mis en récit.