Madame Élodie BLESTEL présente ses travaux en vue de l’obtention du diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherches en Espagnol linguistique hispanique sous la garance de madame Chrystelle Fortineau-Brémond, professeure en linguistique hispanique à l’Université Rennes 2.
Titre des travaux:
Aux confins de la signifiance: pour une conception énactive du signe en espagnol américain
Membres du jury:
M. Federico BRAVO, Professeur (Université Bordeaux Montaigne, AMERIBER)
Mme Maria CANDEA, Professeure (Université Sorbonne Nouvelle, CLESTHIA)
M. James COSTA, Professeur (Université Sorbonne Nouvelle, LACITO)
Mme Chrystelle FORTINEAU-BRÉMOND, Professeure (Université Rennes 2, ERIMIT)
Mme Azucena PALACIOS, Professeure (Universidad Autónoma de Madrid, Facultad de Filosofía y Letras)
M. Stefan PFÄNDER, Professeur (Albert-Ludwigs-Universität Freiburg, Romanisches Seminar)
Résumé des travaux:
Le dossier, intitulé Aux confins de la signifiance: pour une conception énactive du signe en espagnol américain et préparé sous la garance de Mme Chrystelle Fortineau-Brémond, professeure en linguistique hispanique à l’université Rennes 2, se compose de trois volumes : un mémoire de synthèse (tome 1) présentant le parcours de recherche de la candidate et ses possibles prolongements, une sélection de travaux publiés représentatifs des axes de recherche travaillés (tome 2) et une étude inédite (tome 3), intitulée Discrimination (épi)linguistique et sémiotisation orientée sur la côte caraïbe colombienne.
L’ensemble des travaux de la candidate témoigne de l’attention accordée – dans les différents corpus qu’elle a réunis en Amérique latine, en particulier dans des contextes dits de « contact » linguistique (espagnol/langues amérindiennes et africaines) – à la part matérielle et sensible du signe, et à sa possible motivation relative, dans la mesure où cette dernière n’est pas inhérente au signe mais bien relative au système sémiologique qui la fait émerger. Toutefois, à cette approche sémasiologique d’une Linguistique du signifiant soucieuse de révéler les rapports analogiques entre paronymies dans le signifiant, d’un côté, et signification, de l’autre, s’est arrimée, au fil des travaux, une conception résolument incarnée du signifiant, qui s’insère dans le paradigme de l’énaction en sciences du langage, dans un programme plus vaste de réhabilitation de l’expérience vécue par le sujet parlant.
Ainsi, en appréhendant les phénomènes langagiers étudiés dans leur dimension dynamique, processuelle, incarnée, voire intersubjectivement distribuée, ces travaux tentent de s’extraire d’une conception résultative et fixiste de la signification à laquelle peuvent donner lieu la réification d’unités de langue saisies de façon spatialisée dans un après discursif. Le langage est ainsi conçu comme une production interactive et incarnée qui participe à la création d’un monde propre à l’espèce humaine : loin d’être une simple courroie de transmission d’information, il est entendu comme un processus de couplage social et interactif – qui fait notamment la part belle à la dynamique analogique –, qui contribue à l’émergence d’un monde commun, l’exercice de la parole participant à modeler l’expérience individuelle et collective en créant un univers orienté par le langage.
Les différents travaux présentent l’intérêt de cette approche énactive dans l’explication des changements induits par les situations dites de « contact linguistique », mais explorent aussi la façon dont le regard réflexif des locuteurs – qu’ils soient experts ou non-experts – façonne la signifiance. En ce sens, l’étude du tome 3 apporte un éclairage particulier sur la variation phonique dans un autre contexte de « contact » de langues et de dialectes, celui de la Caraïbe colombienne. L’enjeu de cette étude, menée dans le cadre du projet Horizon 2020 de l’Union européenne, « ConnecCaribbean – Connected Worlds: The Caribbean, Origin of Modern World », est en effet de comprendre comment la sémiotisation de la variation phonique de l’espagnol par les Colombiens de cette région résulte des – et nourrit les – processus de différenciation linguistique et sociale en vigueur dans le pays. La candidate montre ainsi que les discriminations linguistiques – le terme discrimination devant être entendu dans son double sens de ‘distinction, différenciation’ et de ‘traitement différencié, inégalitaire’ – que révèlent les discours des acteurs, experts ou non-experts, sont socialement et historiquement orientées : la perception des variables phoniques ne correspond pas à un décodage de « données » objectives, mais est le fruit d’une interprétation, déterminée par un contexte spécifique, et rationalisée a posteriori, notamment à travers des métatermes parfois porteurs de catégorisations stéréotypisantes. Ces derniers sont à la fois l’indice de cette interprétation orientée mais ils contribuent aussi en retour à la routiniser dans l’expérience et à faire prospérer ces discriminations dans le champ social. Cette étude inédite retrace les étapes successives de la démarche empirique de la candidate, reflétant les questionnements, les hypothèses, et les évolutions au cours de l’analyse, selon une méthodologie inédite, qui combine les apports de la sociophonétique, de l’anthropologie sémiotique et de l’analyse du discours, mise au service d’une conception énactive du langage.
La soutenance est publique.