Madame Hélène BOUGET présente ses travaux en vue de l'obtention du diplôme d'Habilitation à diriger des recherches en Langues et Littératures Anciennes sous la direction de Madame Christine Ferlampin-Acher, professeure en Littérature médiévale à L'Université Rennes 2.
Titre des travaux:
« La Queste del saint Graal : univers de fiction et histoire d’une réception »
Résumé:
La Queste del saint Graal bénéficie depuis plus d’un siècle d’une perception relativement stable grâce à l’édition d’Albert Pauphilet qui a acquis une valeur exemplaire dans la représentation et la réception du texte. Or la multiplicité et la diversité des manuscrits incitent à reconsidérer la place de cette version de la Queste dans la tradition textuelle et à reconsidérer l’ensemble des lectures en circulation au Moyen Âge. À partir de l’ensemble des témoins conservés (56), la comparaison des différentes versions et rédactions permet de nuancer cette perception de l’œuvre et de mettre au jour diverses modalités de réception. La notion de « version ordinaire » se confronte à des variations qui bouleversent parfois considérablement le sens du texte, altérant aussi la diégèse, ce qui pose la question de la fluctuation et de la permanence de l’univers de fiction de l’œuvre. L’étude révèle ainsi l’existence, au sein du corpus, d’univers de fiction mouvants et examine la réception historique d’une œuvre médiévale des premiers témoins manuscrits aux imprimés du XVIe siècle.
La comparaison des témoins de la Queste sur le plan de la configuration des manuscrits, de la poétique du récit et de la stylistique des textes démontre que l’intérêt et l’interprétation des copistes et des lecteurs varient selon le contexte de production de la copie, le contenu de celle-ci, la relation que la Queste entretient avec les autres textes, les lieux du récit ou encore la nature des discours employés, plus qu’en fonction des regroupements de témoins opérés jusqu’à présent. L’examen de l’ensemble de la tradition manuscrite et textuelle de la Queste ne donc vise pas à proposer un nouveau stemma codicum ni, par conséquent, à réévaluer l’identification d’un texte « modèle ». Il s’agit au contraire, dans une approche topographique de l’œuvre, d’analyser et de comparer la programmation supposée des lecteurs « modèles » inscrits dans chaque copie et qui peuvent, selon les variantes apportées au texte, être amenés à construire des horizons d’attente variables. Naturellement, certaines rédactions demeurent très proches l’une de l’autre, mais la prise en compte de l’ensemble des témoins révèle une diversité insoupçonnée dans la réception active et historique de la Queste. Versions ordinaires et versions spécifiques (interpolées, abrégées, amplifiées ou dites post-Vulgate) ne se distinguent pas toujours clairement les unes des autres et sont appréhendées en termes de gradation et de combinaison, afin d’éclairer au mieux la manière dont les copistes et remanieurs pouvaient concevoir le texte qu’ils (re)produisaient et soumettaient à la lecture, entre normes et écarts.
La réflexion prend appui sur les théories modernes de la fiction et de la réception afin d’établir une méthode d’analyse et d’interprétation adaptée à l’objet, puis entre progressivement dans l’analyse comparative, d’abord à travers l’étude de la configuration des manuscrits et des conditions de lecture en contexte, puis à travers l’observation détaillée des rédactions de la version dite ordinaire et des versions spécifiques, lesquelles se différencient, à des degrés variables, par la modification de l’horizon d’attente et de la fabula. Au final, l’étude démontre la plasticité de la Queste et propose des outils qui pourront servir à mieux comprendre la transmission des textes, par exemple dans les autres langues vernaculaires. La diversité des lectures actualisées dans les manuscrits ne recoupe véritablement ni une perspective diachronique, ni le classement des copies sur des critères purement philologiques. Elle permet en revanche d’élaborer une histoire de la réception de la Queste del saint Graal au cours des trois premiers siècles de son existence et de mesurer l’écart avec les réceptions modernes qui ont pu en être faites.
La soutenance est publique.