Mercredi 2 octobre

Journée d'étude "Aya Nakamura - Le minoritaire et le majoritaire"

Cette journée d’études, proposée sous la direction de Marta Amico et Emmanuel Parent avec le soutien de l’unité de recherche Arts : pratiques et poétiques de Rennes 2 et l’IASPM-bfe (international association for the study of popular music) aura lieu le mercredi 2 octobre dans le PNRV, Campus Villejean

Aya nakamura
Légende

Aya Nakamura

Crédit : Thibault Théodore GQ Magazine - DR

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La chanteuse Aya Nakamura est devenue en l’espace de quelques années l’une des artistes françaises les plus populaires de sa génération. Cette popularité se mesure aussi bien en nombre de streams sur les plateformes de diffusion numérique (millions de vue sur YouTube, première artiste francophone sur Spotify depuis 2020) que par sa présence dans le débat public, à l’occasion de polémiques dont elle est régulièrement l’objet. Ces dernières ont ainsi récemment culminé à propos de sa probable programmation pour la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris 2024 (Vallée, Sonnette-Manouguian et Hammou, 2024). En cause la tension entre son identité perçue comme femme noire d’origine africaine s’étant distinguée dans un genre musical, le R’n’B, souvent dévalorisé, et le rôle de représentation de la France à l’international.

Ces procès en illégitimité pour des artistes noirs sont toutefois plus anciens dans l’histoire des cultures populaires en France (Chalaye, 2013). Dans le cas de Nakamura, ils apparaissent dès ses premiers succès (Piquet, 2020), qui sont restés longtemps ignorés ou invisibilisés par la  profession (Aubry, 2021). Avec son single « Djadja » (2019), Aya Nakamura est pourtant devenue la première chanteuse française, depuis Edith Piaf et « La Vie en rose » (1947), à obtenir un classement n° 1 dans plusieurs pays étrangers. Issue de la minorité noire de France, mais incarnant un segment numériquement majoritaire des préférences musicales jeunes, Aya Nakamura incarne un jeu de va-et-vientcomplexe entre le minoritaire et le majoritaire (Guillaumin, 1985), que cette journée d’études entend explorer plus précisément.

Empruntant son pseudonyme à l’univers de la culture pop japonaise, Aya Nakamura mélange ainsi dans ses chansons l’argot d’Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, fait de verlan, de mots roumains, français, espagnols et arabes avec des expressions issues du nouchi ivoirien ou de la rue de Bamako au Mali, d’où sa famille est originaire. Avec ces chansons reprises jusque dans les cours d’école, l’argot local s’intègre à la langue véhiculaire (Taillandier, 2020, Hubert, 2021) et met en lumière la complexité inhérente à la langue et à la chanson françaises, depuis toujours exposées aux vents des migrations (Guibert & Parent, à paraître). L’œuvre de Nakamura offrirait ainsi une occasion particulièrement éclairante pour comprendre la langue et le genre « chanson » comme des catégories instables et traversées par des phénomènes constants de contacts, de tensions, d’interactions culturelles et linguistiques.

Cette circulation entre le minoritaire et le majoritaire se dévoile donc au travers de la langue qu’elle emploie, mais également dans la musique sur laquelle elle pose, dans ses techniques vocales et phonographiques développées chansons après chansons (Parent, 2023). Elle s’exprime également dans les références culturelles qu’elle mobilise, dans ses collaborations avec d’autres artistes, dans les danses et la mode qu’elle valorise dans ses clips, dans l’attitude qu’elle incarne en studio, sur scène et dans ses apparences publiques. Ce sont toutes ces facettes de la persona complexe d’Aya Nakamura – son « comportement » – que cette journée d’études voudrait aborder, non pas tant dans un souci improbable d’exhaustivité que dans une volonté d’inaugurer un dialogue pluridisciplinaire sur le phénomène artistique, culturel et médiatique qu’elle incarne, dans le cadre plus général de l’étude des stars (Dyer & McDonald, 1998; Brooks & Martin, 2019).

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