Les conflits religieux des XVIe et XVIIe siècles bouleversèrent les sociétés européennes. En France, entre 1562 et 1629, l’État royal a cherché à imposer des « paix de Religion », sanctionnées par des édits dit de pacification. Désormais réévaluées et perçues comme l’avènement de « l’autonomisation de la raison politique » (O. Christin), ces paix n’en demeuraient pas moins des plus précaires. Se succédant parfois très rapidement, elles ont pu parfois apparaître comme si fragiles par les contemporains que ceux-ci se sont mis à parler de « temps des troubles » pour se représenter une période où états de guerre et états de paix tendaient de plus en plus à se confondre. De précieux (et inédits) témoignages de Français du temps des guerres de Religion seront proposés à l’analyse pour tenter d’éclairer la façon dont ceux-ci pouvaient percevoir l’irruption de la guerre, signe du « malheur des temps » ou l’apparition de la paix, « envoyée » par le Seigneur. Ce faisant, il sera proposé d’analyser la paix de Religion moins du point de vue de ceux qui l’élaboraient et la signaient que de celui de ceux qui l’ont vu apparaître dans leur quotidien.
Le Cours public 2026
Le thème du cours public 2026 est "Des États de paix"
Coordination Patrick Harismendy, Professeur émérite d’histoire contemporaine
Université Rennes 2 / CRBC
Pour péremptoire qu’elle pouvait être, la fermeture des Portes de la Guerre, à Rome, ne préjugeait pas d’un retour à la stasis, mot grec conjoint à la physique et à la physiologie. Comme, désormais, est révoqué le triptyque « paix, crise, guerre », au profit de « compétition, contestation, affrontement » mieux à même de rendre compte d’instabilités et d’imprévisibilités parcourant l’environnement fragmenté et fortement concurrentiel devenu le nôtre, ainsi que le suggère le général Thierry Burkhard, alors que l’image gentillette du village mondial, postulant l’entraide entre voisins, n’est plus de saison. De même, l’Histoire des Relations internationales, faite d’en haut et par en haut a dû s’ouvrir aux travaux interrogeant successivement après-guerres, post-guerres, sorties de guerre marquant la dilatation du temps à travers les processus de transition. L’interrogation de complexités allant des reconstructions aux retours des prisonniers, aux procès de culpabilités et de mémoires aux conséquences économiques ou culturelles durables est centrale, tout comme le changement plus ou moins radical des horizons politiques en résulte bien souvent. Mais, pour quantifiables que peuvent être les coûts de la paix, en passant par migrations forcées, abandons territoriaux, tribut au vainqueur ou perte pure et simple de souveraineté, ils travaillent aussi sociétés et individus en profondeur avec les cortèges d’humiliation, d’intolérance, de ressentiment ou de traumas, avérés ou mythologisés propres à réembraser les conflits ; y compris par les venins communautaristes ou nationalistes. La paix n’est donc ni une catégorie, ni un invariant, mais reflète, selon les époques, les possibles de vivre ensemble selon des règles ne pouvant ignorer les psychés des uns et des autres. La difficulté, pour l’historien, est de trouver ou maintenir la bonne distance entre la multiplication d’outils d’analyse à sa disposition et la conservation de la contemporanéité propre à la période examinée. Et la nôtre est, aussi, celle d’une maison qui brûle…