En quoi consiste votre résidence de wikimédienne à l’Urfist de Rennes ?
Juliette Halimi. Je suis hébergée pendant un an par l’Urfist de Rennes, comme deux autres wikimédiens qui eux sont en résidence aux Urfist de Bordeaux et de Toulouse (en savoir plus sur les trois résidences). Ces résidences doivent venir renforcer les liens existant entre Wikimédia et le milieu de la recherche et l’enseignement supérieur dans un contexte de promotion de la science ouverte. Wikimédia, c’est une galaxie de projets qui englobe le plus connu, Wikipédia, mais aussi la base de données Wikidata, Wikisource qui rend accessible une grande variété de textes, Wikimédia Commons qui est une médiathèque numérique, Wiktionnaire… Tous ces outils peuvent servir pour la recherche et la vulgarisation.
Comment devient-on wikimédienne en résidence ?
J.H. Ce format est assez nouveau. Mon profil est atypique parce que je n’étais pas contributrice avant d’être recrutée à ce poste, contrairement aux deux autres wikimédiens en résidence. J’ai fait un master de recherche en sociologie politique et ensuite une année de formation à la médiation scientifique, puis j’ai été recrutée au SCD de Rennes 2 sur un poste de valorisation de la recherche. J’étais donc déjà à l’interface entre les chercheur·ses et le grand public et j’avais commencé à me former aux enjeux autour de la science ouverte. Wikimédia propose des MOOCs très bien faits pour se former à la contribution sur Wikipédia. Pour Wikidata, il faut plus de compétences techniques et informatiques, mais les bases de la contribution sur Wikipédia peuvent s’acquérir vite.
Concrètement, quels types de projets déployez-vous ?
J.H. J’ai plusieurs missions. La première est de proposer des formations Urfist tout au long de l’année, à destination des chercheurs·es et de tous les professionnel·les de l’information. On nous demande aussi de produire des ressources pédagogiques : nous allons créer des modules sur Callisto, une plateforme de formation en ligne. Il s’agit à la fois d’acculturer à l’utilisation de ces outils pour la vulgarisation scientifique, mais aussi permettre leur utilisation pour les projets de recherche et la documentation. Par exemple, je prépare actuellement la campagne #1Lib1Ref qui signifie One librarian, one reference (un·e bibliothécaire, une référence). C’est une campagne mondiale de Wikipédia qui a lieu deux fois par an pour inciter les bibliothécaires à ajouter une référence manquante dans l’article de leur choix sur Wikipédia. Je propose une formation en ligne le 2 mai pour les personnels de Rennes 2 et de l’Université de Rennes sur l’ajout des sources dans Wikipédia, qui sera suivie d’un atelier de contribution en présentiel le 15 mai. Avec les deux autres wikimédiens en résidence dans les Urfist de Bordeaux et de Toulouse, nous avons lancé les Wikicafés : tous les premiers et troisièmes mardis du mois, entre 13h et 14h, nous animons un rendez-vous en ligne pour discuter de Wikimédia et de la recherche. Généralement, nous présentons un outil ou une actualité puis nous échangeons avec les chercheur·ses ou les professionnel·les de l’information et de l’accompagnement à la recherche. Cela permet de fédérer un réseau autour de ces questions. Nous avons aussi lancé une newsletter qui s’appelle Wikil@b. Récemment j’ai été contactée par des éditrices de la MSHB qui lance une pépinière de revues : nous prévoyons de construire un référencement de ces revues sur Wikidata et, éventuellement, sur Wikipédia pour les revues qui auraient le plus de sources secondaires.
L’un des enjeux de votre résidence est de vous faire connaître auprès de la communauté scientifique.
J.H. Oui. Cette résidence doit permettre à Wikimédia de prendre sa place dans les enjeux de médiation scientifique. L’ancêtre de Wikipédia s’appelait Nupedia : il donnait la parole uniquement à des spécialistes, mais finalement ce projet a été abandonné au profit d’une encyclopédie totalement horizontale et collaborative. Wikimédia commence à être mentionnée par les acteurs publics comme un moyen de faire de la médiation scientifique, mais dans le milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche, il y a encore des craintes sur le manque de fiabilité de Wikipédia et des réticences à l’utiliser pour des projets de pédagogie et de recherche. Il s’agit de réfuter les idées reçues sur cet outil et de montrer que l’aspect collaboratif, même si ce n’est pas intuitif, rend les informations très fiables. Quand on comprend bien le fonctionnement de Wikipédia, on se rend compte que le principe de vérifiabilité est essentiel : si chacun vérifie les sources, un article Wikipédia est tout aussi fiable que n’importe quelle autre source. Des patrouilles vérifient très régulièrement les modifications qui sont apportées aux articles. Wikipédia est une expérience sociale très intéressante : on n’aurait pas parié sur son succès et c’est assez fascinant de voir que ça marche !