Date de publication
26 novembre 2024
modifié le

Trophées Valorisation 2024 : Sylvain Delouvée, lauréat du prix Territoires et espaces publics : approches & industries créatives

Sylvain Delouvée est maître de conférences HDR de l’Université Rennes 2 au laboratoire de Psychologie : Cognition, Comportements et Communication (LP3C). Enseignant-chercheur en psychologie sociale, il s’intéresse aux interactions entre les croyances individuelles et leurs conséquences au niveau collectif. Parmi ses derniers projets, il collabore avec la société Hoppen, qui souhaite adapter un assistant technologique aux résident·es et personnels des Ehpad.

Portrait de Sylvain Delouvée
Légende

©Julien Mignot

Depuis vingt ans, le chercheur en psychologie sociale Sylvain Delouvée étudie comment les croyances de chaque individu influencent leurs comportements individuels (par exemple choisir entre voiture et vélo pour se déplacer) et les comportements collectifs (par exemple le vote, les manifestations, etc.). Il étudie les mécanismes à l’œuvre dans les rumeurs, théories du complot, représentations sociales : « ces croyances n’ont d’importance que par leurs conséquences collectives. » Par exemple, croire que les vaccins anti-Covid contiennent des puces 5G est une croyance qui peut influencer le comportement individuel (la personne ne se fait pas vacciner), mais a aussi des conséquences collectives, car la lutte contre cette maladie nécessite une couverture vaccinale de la société. Son travail s’intéresse depuis quelques années à la désinformation : « elle affecte des domaines comme la santé publique, l’environnement, la politique. C’est d’autant plus important dans un contexte de montée des extrêmes. ».

La psychologie sociale, une discipline basée sur des méthodes et des données scientifiques

Sylvain Delouvée développe régulièrement des travaux en lien avec des demandes d’associations, de collectivités locales ou territoriales ou encore d’industriels, qui souhaitent améliorer l’acceptabilité d’un produit ou changer des comportements. L’enseignant-chercheur s’empare de ces demandes pour développer des questions de recherche, effaçant la distinction qui est souvent faite entre recherche fondamentale et recherche appliquée. « Mon premier travail auprès des partenaires, c’est de leur expliquer ce que je fais et ce que je peux leur apporter », raconte Sylvain Delouvée. En effet, la psychologie sociale, qui considère les individus dans leur contexte social est une discipline scientifique souvent mal connue. « Les préconisations que j’amène ne sont pas tirées d’opinions personnelles. Elles s’appuient sur des recherches, des données issues de questionnaires, d’entretiens, d’observations, d’analyses de la presse et des réseaux sociaux… » 

L’enseignant-chercheur a par exemple travaillé avec la Cooperl, qui souhaitait diminuer l’antibiorésistance dans les élevages porcins. Il a étudié les convictions et représentations des éleveurs sur l’usage des antibiotiques, afin d’aider la Cooperl à identifier les éléments sur lesquels agir. Il va collaborer aussi avec des associations de prise en charge des mineurs non accompagnés[1], qui ont besoin de déconstruire les préjugés de la société sur les jeunes qu’elles accueillent. 

Analyser les besoins et l’acceptabilité des technologies en Ehpad

Sa plus récente collaboration, démarrée en 2022, vise à identifier les besoins en technologie dans les Ehpad pour le développement d’une assistance technologique adaptée. La société Hoppen a sollicité l’appui du chercheur pour identifier les besoins des personnes âgées, de leurs proches et du personnel. L’entreprise finance la thèse Cifre[2] de Marielle André, ergothérapeute, encadrée par Sylvain Delouvée, Maud Besançon (LP3C) et Kévin Charras du Living Lab Vieillissement et Vulnérabilités (LL2V) du CHU[3] de Rennes. « La demande d’Hoppen soulève des problématiques scientifiques, nécessite l’analyse de processus psychosociologiques sur lesquels les connaissances manquent. », explique Sylvain Delouvée. L’enseignant-chercheur souligne également la réussite de l’équipe à concilier les temporalités des différents acteurs : « La recherche fonctionne sur du temps long, alors que pour l’entreprise, le marché peut beaucoup évoluer entre le moment du dépôt de projet et le déroulement de la thèse. » 

La première étape a consisté, à partir de la littérature et d’enquêtes auprès d’un panel d’Ehpad de tailles et de statuts variés, à identifier les besoins des trois publics concernés (résidents, personnels et proches des résidents), notamment le niveau d’autonomie, d’indépendance et de participation sociale. Marielle André souligne la pertinence de ces recherches pour l’entreprise : « Les industriels sont conscients que leur représentation d’un sujet n’est pas complète. Par exemple, ils ne savent pas toujours ce qu’une personne âgée est capable de lire ou pas. D’autres sociétés développent des projets plus rapidement, mais se rendent compte par la suite que leur produit ne répond pas à un besoin sur le terrain. Ici, l’objectif est de permettre le développement d’une technologie réellement utile, avec une vraie pertinence sociétale. » Sylvain Delouvée et Maud Besançon ont fourni les outils méthodologiques nécessaires. Le Living Lab LL2V a apporté à la fois sa connaissance du réseau des Ehpad et son expertise dans les entretiens avec des personnes dépendantes. 

La doctorante a ainsi mis en évidence trois fonctionnalités prioritaires : la détection des chutes (qui génèrent des craintes et demandent une surveillance accrue), une interface de visioconférence très simple pour contacter les proches, un agenda partagé pour faciliter l’organisation des activités au vu du grand nombre de résidents. La fin de la thèse, d’ici novembre 2025, est dédiée à la rédaction d’un cahier des charges pour adapter ces trois fonctionnalités dans un outil dédié à l’utilisation en Ehpad. Une suite envisagée pour ce projet est la réalisation d’un prototype et l’évaluation de l’acceptabilité du produit. Là encore, la psychologie sociale aura un rôle à jouer. « La notion d’acceptabilité fait appel à des croyances et à des processus psychologiques que nous étudions. », explique Sylvain Delouvée. 


 


[1] Jeunes migrants sans représentant légal sur le territoire français

[2] Conventions industrielles de formation par la recherche

[3] Centre Hospitalier Universitaire

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