Zoe Stroebele, Serdar Rama et Laura Orgambide.
Pouvez-vous vous présenter et présenter votre formation ?
Nous sommes tou·te·s les trois en master 2 GAED (Géographie – Aménagement – Environnement – Développement) parcours TELENVI (Télédétection/Environnement)*, qui vise à former des professionnel·le·s à même de comprendre les processus environnementaux et de les étudier au moyen des technologies spatiales actuelles. L’idée est de réussir à voir ce qui est invisible à l’œil humain. Par exemple, l’infrarouge permet d’observer la végétation et de voir si une plante est malade ou non. Nous envisageons tou·te·s les trois de poursuivre en doctorat.
Zoe Stroebele, Alaskaine de 35 ans, souhaite se spécialiser dans les télédétections des milieux froids, pour aider les populations locales du Nord. Serdar Rama, 24 ans, aime particulièrement la programmation et notamment la technique du radar, qu’il aimerait appliquer à l’observation des plantes en travaillant pour un grand organisme comme le Centre d’études spatiales de la biosphère (Cesbio). Laura Orgambide, 24 ans également, a, elle aussi, une appétence pour l’informatique ; son objectif est de lutter contre le changement climatique, en étudiant les glaces ou les océans.
Comment en êtes-vous venu·e·s à participer au Hackathon Cassini à Toulouse, les 5-7 novembre 2021 ?
Le thème du hackathon était « connecter l’Arctique », et Serdar et Zoe avaient déjà travaillé sur la télédétection de la banquise, donc les encadrant·e·s du laboratoire LETG (Littoral - Environnement - Télédétection – Géomatique) nous ont encouragé·e·s à participer. Comme au sein du master, nous avons des projets professionnels à réaliser, nous avons pensé que c’était l’occasion de faire les deux en même temps. Et on a associé Laura car elle est très forte en programmation ! C’était notre tout premier hackathon.
Quel était votre projet ?
À cause du changement climatique, la banquise est encore plus dynamique qu’avant, elle change sans cesse, donc les connaissances traditionnelles locales ne suffisent plus pour connaître l’état de la glace et les voies de navigation possibles. Nous voulions donc concevoir un service pour répondre aux besoins de toutes les populations autour du cercle polaire, en prenant en compte plusieurs contraintes - l’utilisation de technologies européennes (le hackathon étant organisé au niveau européen) et la faible connectivité en Arctique. Nous avons créé un service basé sur l’emailing : l’utilisateur·rice envoie un mail avec ses coordonnées géographiques et dans les minutes qui suivent, il·elle reçoit par mail une carte de l’état de la glace autour de sa position. Cela impliquait des compétences en programmation principalement, des connaissances en radar pour déterminer où se trouve la glace, et une très bonne connaissance du terrain que nous avions grâce à Zoe, qui vient d’un village inuit. Sur ce dernier point nous avons également eu l’aide de Vincent Grison, navigateur en mer polaire qui a mené cette année l’expédition Rennes-Pôle Nord et travaille depuis quelques temps avec le laboratoire LETG, et qui a joué pour nous le rôle d’utilisateur final.
Comment s’est déroulé ce hackathon et la compétition européenne ?
Au début, nous étions un peu déstabilisé·e·s. On pensait faire de la programmation pure, alors qu’il fallait concevoir un projet façon start-up. En face de nous, il y avait des étudiant·e·s de master en entrepreneuriat du spatial, alors que nous, on n’avait jamais fait de business model… Bref, on ne pensait jamais gagner ! Et puis à la présentation servant d’entraînement, nous sommes arrivé·e·s devant les professionnel·le·s d’Airbus, avec le seul projet basé sur la gratuité et surtout sur les populations locales… Ils·elles nous ont dit qu’en améliorant quelques points, nous avions de grandes chances de gagner ! À partir de là, on s’est réparti·e·s les tâches et on a bossé comme des malades pendant 4 heures, en prenant en compte leurs conseils. Ensuite, on a fait notre présentation de 4 minutes devant un jury de professionnel·le·s du spatial, puis ils nous ont annoncé qu’on était premiers, ce qui nous a qualifié pour la compétition européenne. Pendant que tout le monde faisait la fête, on faisait nos sacs pour rentrer à Rennes et être en cours de « Services écosystémiques » le lendemain à 8 heures [rires].
Trois jours plus tard, on a donc confronté notre projet avec les équipes gagnantes des dix autres pays participants - en visio, avec tou·te·s les étudiant·e·s du master TELENVI dans la salle pour nous soutenir. C’était un peu intimidant, mais ça s’est bien passé. On a fini troisièmes, mais l’important c’est d’être sur le podium car on a tou·te·s gagné 100 heures de coaching personnalisé avec des expert·e·s de l’Agence Spatiale Européenne pour mener le projet à terme.
On a été énormément soutenus par l’université, le laboratoire LETG et l’équipe d’Aerospace Valley. On les remercie car sans leur aide et leurs conseils, on n’aurait jamais réussi.
Que vous a apporté cette expérience ?
Déjà, ça nous a permis d’appliquer nos connaissances à des problématiques qui nous intéressent. Et sortir du contexte universitaire, ça met en perspective nos capacités : on s’est rendu compte qu’on avait déjà des compétences et qu’on était capables de relever le défi, de gérer un projet à plusieurs dans les courts délais impartis. Ça donne confiance d’être confronté·e à la difficulté et de réussir. Et même quand on ne gagne pas, on construit son réseau en rencontrant des pointes du domaine et d’autres étudiant·e·s. Donc il ne faut pas hésiter à participer à des hackathons, c’est une superbe expérience !
* Le parcours TELENVI est co-accrédité avec l’AgroCampus Ouest.