Date de publication
23 septembre 2022
modifié le

Oleksandr Tretyakov, chercheur ukrainien accueilli à Rennes 2, développe une méthode de classification des dommages causés par la guerre

Oleksandr Tretyakov, géographe ukrainien, est arrivé en France le 8 mars 2022. Il a été accueilli au laboratoire ESO-Rennes, dans le cadre du programme PAUSE-ANR Ukraine mis en place avec le soutien du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (MESRI) et de Rennes métropole. 

Oleksandr Tretyakov

Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours professionnel avant votre arrivée en France ?

Je suis géographe, plus précisément géomaticien. Quand j’étais en thèse, j’ai obtenu une bourse entre 2004 et 2007, en co-tutelle avec l’Université Rennes 2 et l’université nationale de Kharkiv-Karazine en Ukraine : je travaillais alors sur l’évolution du potentiel d’énergie que l’on peut produire avec les résidus de la biomasse sur certains territoires. Il s’agissait d’étudier les pratiques et les réussites dans ce domaine en France et dans les pays d’Europe orientale pour les transposer dans ma région en Ukraine. J’ai approfondi ce sujet pendant le post-doctorat que j’ai fait en France à l’INRAE, toujours en collaboration avec ESO-Rennes.

Puis mon domaine d’activités s’est élargi à la géomatique et au traitement des données satellitaires. À cette époque, je travaillais à l’université nationale de Kharkiv V.N. Karazine en tant que maître de conférences. J’avais dans l’idée d’appliquer les méthodes que nous avions développées dans des domaines différents : par exemple, nous avons travaillé sur les territoires naturels protégés pour analyser l’utilisation des sols et grâce aux données satellitaires regarder si des activités non autorisées existaient.

Lorsque la première guerre en Ukraine a éclaté en 2014, j’ai commencé, avec les étudiants que j’avais sous ma direction, à travailler sur les dommages causés dans les villes et villages du Donbass. À partir de 2017, j’ai quitté l’université et j’ai poursuivi mes recherches en coopération avec une société privée : j’ai par exemple travaillé sur la cartographie des sols dans le domaine de l’agrochimie et sur l’utilisation des données satellitaires pour l’agriculture et les municipalités. C’était mon activité avant la guerre.

La Russie envahit l’Ukraine le 24 février 2022. Comment avez-vous réagi ?

Nous sommes partis cinq jours plus tard. Une bombe avait explosé à 400 mètres de la maison. Nous avons deux enfants, le premier a dix ans, le second est né trois semaines avant le début de l’offensive. Nous avons mis quatre jours pour traverser l’Ukraine, puis encore quatre jours pour traverser l’Europe. Notre premier objectif était de fuir les bombardements. Nous avons choisi d’aller en France car ma femme et moi parlons la langue et j’avais gardé d’excellentes relations à Rennes avec le laboratoire ESO.

Grâce au dispositif PAUSE-ANR Ukraine, vous avez pu être accueilli au sein de l’unité de recherche ESO-Rennes. Quels sont les travaux que vous allez conduire dans ce cadre ?

Je voudrais développer une méthode d’utilisation des données satellitaires pour identifier et classifier les types de dommages causés par les bombardements dans ma ville de Kharkiv en Ukraine. Dans un deuxième temps, nous allons réfléchir aux moyens d’utilisation de ces données pour agir sur un aspect plus social : comment modifier les comportements des gens qui habitent dans les quartiers les plus ciblés par ces bombardements pour réduire le nombre de victimes. Jusqu’à présent, mes recherches se traduisaient par beaucoup de calculs et de modélisations : aujourd’hui, je voudrais m’inscrire dans les axes de recherche d’ESO pour pouvoir donner une valeur ajoutée. Le laboratoire m’accueille, me conseille, m’accompagne ; j’aimerais qu’il puisse utiliser mes résultats dans ses activités.

Comment voyez-vous l’avenir à plus long terme ?

J’espère que la guerre va finir bientôt, - toute notre famille est restée à Kharkiv, mais nous devons assurer l’avenir de nos enfants, les protéger. J’ai compris qu’on ne pouvait pas retourner en Ukraine dans un avenir proche. Même si la guerre s’arrête, ce sera toujours dangereux, surtout pour les enfants, car il va falloir déminer le pays et le reconstruire. Nous avons donc décidé de rester en France, pour permettre à nos enfants d’avoir une vie normale. Il nous a semblé aussi que c’était ici que nous serions le plus à même d’aider l’Ukraine.

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