Date de publication
14 mai 2024
modifié le

Mieux comprendre la réinsertion des personnes détenues

L’équipe du projet “ETAPE”, lauréate en 2024 de l’appel TISSAGE (TrIptyque Science Société pour Agir Ensemble), nous présente cette recherche-action visant à comprendre les effets d’un atelier et chantier d’insertion sur les parcours de sortie de prison des personnes détenues.

Pouvez-vous nous décrire en quelques lignes le projet lauréat ? 

Faisant suite à une phase pilote menée à l’échelle nationale, la DISP (Direction interrégionale des services pénitentiaires) de Rennes et la Cress Bretagne travaillent en partenariat étroit depuis 2018 sur une expérimentation régionale visant à adapter le secteur du travail au sein de trois établissements pénitentiaires bretons. Ce partenariat a abouti à l’implantation d’un atelier et chantier d’insertion (ACI) au sein de la maison d’arrêt de Brest. Après deux années de fonctionnement, le CereiSo (centre de recherche d’Askoria) a été sollicité afin de mener ensemble un processus de recherche-action visant à comprendre les effets de cette implantation sur les parcours d’insertion des personnes détenues. Le projet s’inscrit par ailleurs dans une dimension comparative puisque le terrain de recherche est également constitué d’un deuxième ACI ayant été implanté au centre pénitentiaire de Caen. 

Qui sont les différents partenaires impliqués dans le projet ?

Ce projet est pensé comme s’inscrivant dans une démarche de recherche-action collaborative qui s’appuie sur la co-construction de la recherche et de ses questionnements. Concrètement, la démarche globale est ainsi coordonnée de manière conjointe par le CereiSo, la DISP de Rennes et la Cress Bretagne. Il s’agit pour ces partenaires impliqués d’organiser les différents temps d’échanges propres à la démarche de recherche, et de répondre aux enjeux stratégiques et financiers afin de faciliter la mise en œuvre de la recherche. 

La DISP de Rennes couvre 3 régions et 24 établissements pénitentiaires : Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. Son département des politiques d’insertion, de la probation et de la prévention de la récidive traite entre autres le sujet du travail pénitentiaire. Dans ce secteur, à l’image des autres directions interrégionales, l’implantation des ACI sur des zones atelier dédiées à l’intérieur des établissements pénitentiaires a nécessité des ingénieries méthodologiques et financières adaptées à ce contexte de travail. Il s’adresse à une partie de la population incarcérée qui, du fait de problématiques diverses, ne peut répondre aux exigences des ateliers implantés, principalement de type industriel. 

La Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) est la tête de réseau de l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui lui confèrent sa légitimité. Elle agit au service de son développement sur tout le territoire breton. L’équipe est structurée en trois pôles d’activité. Le pôle "Mouvement" : structuration de l’ESS et représentation auprès des pouvoirs publics (animation régionale et territoriale, via les pôles ESS), développement d’une culture ESS, etc. Le pôle "Accompagnement" : appui à la création et au développement des entreprises de l’ESS, démarches sur la qualité de l’emploi et les conditions de travail, observatoire régional de l’ESS, etc. Le pôle “Innovation-Filières” : développement d'initiatives et dynamiques d'innovations sociales, tout en répondant aux enjeux de société identifiés par les adhérents et/ou les pouvoirs publics ainsi que faciliter l’émergence et la structuration de filières régionales

Par ailleurs, et afin de mener à bien cette recherche et de mobiliser une approche interdisciplinaire, le CereiSo s’est également associé à deux laboratoires universitaires, le laboratoire LP3C et le laboratoire ESO de l’Université Rennes 2. 

Enfin, la démarche de recherche-action se matérialise aussi par la constitution d’un groupe de recherche rassemblant différents acteurs parties prenantes du projet : chercheuses et chercheurs universitaires, direction de l’administration pénitentiaire, Cress Bretagne, CereiSo, Prélude (chantier d’insertion Brest), APAJH (chantier d’insertion Caen) chantier école (Réseau national des acteurs de l’insertion), DDETS 29 (Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités), centre pénitentiaire de Caen, antenne SPIP de Caen (Service Pénitentiaire d’insertion et de probation). 

Quelles sont les différentes étapes du projet, et où en êtes-vous aujourd'hui ?

Les étapes du projet sont multiples. Le premier enjeu est de réussir à créer une dynamique collective qui embarque tout le monde dans le projet de recherche. Cette première étape est certainement la plus importante puisqu’elle conditionne la réussite du projet, chaque partenaire devant se sentir partie prenante de celui-ci. Ensuite, il s’agit de co-construire ensemble les différentes étapes “types” d’un projet de recherche avec l’ensemble des partenaires impliqués dans le projet : questionnements de recherche, réponses à des appels à projets, élaboration d’une méthodologie, réalisation de l’enquête de terrain, analyse des matériaux recueillis et médiation de la recherche. Nous sommes actuellement dans la phase exploratoire du projet. La dynamique collective est, elle, bien créée ! Nous travaillons essentiellement sur les questionnements de recherche et les réponses aux appels à projets, avec l'objectif de commencer l’enquête de terrain en début d’année 2025.

Le projet TISSAGE a pour objectif de favoriser les rencontres entre les citoyen·nes, les chercheur·ses et les décideur·ses. Quel est l'impact souhaité du projet pour la société civile ?

La démarche de recherche vise tout d’abord à créer des espaces de rencontre, de réflexivité et de croisement des savoirs. C’est ainsi une dynamique collective qui est recherchée où chaque personne peut se nourrir des réflexions des un·es et des autres afin d’aller plus loin dans sa compréhension de la réalité sociale, mais aussi afin de donner du sens à son action quotidienne. Ce point est très important dans la démarche menée. Bien sûr, il y aura des résultats à la recherche, mais une démarche de recherche-action est avant tout caractérisée par le processus de réflexion collective qu’elle vise à mettre en place, et qui a pour ambition de perdurer après la temporalité de la recherche elle-même. 

Au-delà de cet aspect, le projet a aussi pour ambition de construire une expertise scientifique en appui à une politique publique en cours d’essaimage au niveau national d’implantation de structure par l’activité économique dans les établissements pénitentiaires. L’enjeu du projet est ainsi d’éclairer l’action publique et de favoriser son réengagement dans d’autres contextes.

En quoi ce projet est-il innovant ?

Le projet vise à produire de nouvelles connaissances en s’appuyant sur une approche interdisciplinaire dans un contexte où les recherches concernant les parcours d’insertion des personnes détenues et leur rapport à la sortie de prison sont peu nombreuses. Le projet peut dans ce sens être considéré comme une recherche exploratoire qui permettra de contribuer de manière ciblée aux questionnements sur les parcours de réinsertion des personnes détenues. 

Par ailleurs, du fait même de la démarche de recherche collaborative, une attention particulière est portée dans le projet à la question de la médiation de la recherche. Comprendre et faire comprendre la complexité du phénomène social étudié, voilà l’un des enjeux du projet de recherche. Dans ce sens, l'ensemble des partenaires impliqués réfléchissent également à des modalités de recherche, comme le film ou la bande dessinée, qui permettront de rendre les résultats de la recherche plus accessibles et appropriables par tous les acteurs.

 

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