Date de publication
24 septembre 2024
modifié le

Jean-Baptiste Massuet nommé à l’Institut universitaire de France (IUF)

Cet ancien étudiant de l’Université Rennes 2 y est aujourd’hui maître de conférences en études cinématographiques. À partir du 1er octobre 2024, il est nommé membre Junior de l’IUF pour un projet de recherche sur les relations entre cinéma et jeu vidéo.

Jean-Baptiste Massuet
Légende

© Sébastien Boyer/service communication

Pourquoi avoir choisi d’étudier le cinéma ?

En bon passionné de cinéma, je voulais être cinéaste. J’avais fait un master de lettres à Rennes 2, mais je ne me voyais pas devenir professeur de français, qui était la suite logique, je me suis donc réorienté en licence de cinéma. J’ai eu un déclic pour la recherche quand j’ai découvert la richesse des travaux de nos enseignant·es. Ils et elles m’ont ouvert les yeux sur le fait qu’on pouvait regarder les œuvres autrement et en dire des choses passionnantes.

Vous avez fait vos études à Rennes 2. Quels souvenirs gardez-vous de votre formation ?

J’en garde un excellent souvenir, c'est pour cela que j’ai tout fait pour y rester [rires] ! Ce qui m’a marqué, c'est, comme je l’ai dit, l’extraordinaire équipe qui m’a ouvert les yeux sur le cinéma. Mais aussi l’ambiance assez formidable entre les étudiantes et étudiants, toutes et tous solidaires, notamment en master qui peut être un moment compliqué dans les études. Nous avions un super groupe qui fonctionnait bien et dont l’énergie collective m’a donné le goût du travail en équipe. Ce travail collaboratif est vraiment l’une des spécificités du département Arts du spectacle à Rennes 2. J’ai pu, dès le master, m’engager dans des projets de groupe et avoir quelques responsabilités (et d’autant plus en doctorat par la suite), ce qui m’a permis de me familiariser avec l'équipe et avec différents domaines de spécialité autour du cinéma.

En quoi consiste le projet de recherche pour lequel vous êtes nommé membre Junior de l'Institut universitaire de France (IUF) ?

Le projet s’appelle “Imaginaires du photoréalisme dans le jeu vidéo – Cinéma et œuvres vidéoludiques en miroir à l’ère des “moteurs graphiques” (années 1990 à nos jours)”. Il part d’un constat très contemporain, lié à l’émergence des intelligences artificielles génératrices d’images comme Midjourney ou Dall-E. Les images créées par IA ont été extrêmement commentées ces derniers temps, notamment pour la confusion qu’elles entraînent avec de véritables photographies. Ce trouble est passionnant, mais il n’est pas du tout nouveau. Dès les années 1990, la question se pose du remplacement des images de cinéma par des images de synthèse. Et le jeu vidéo s’est embarqué dans cette voie d’imitation du cinéma, sachant que le photoréalisme consiste moins à simuler la réalité que sa captation par une caméra. Par exemple, si on observe les images du jeu vidéo The Matrix Awakens, sorti en 2021, on constate qu’elles ne renvoient pas vraiment au réel, mais surtout aux films de la trilogie Matrix. On peut reconnaître un certain traitement de l’image, des teintes, des contrastes, etc. Autre exemple : fin 2023, le jeu Alan Wake 2 entremêle des images filmées avec une caméra et des images de synthèse pour amener le joueur à douter de ce qui est réel ou non, jouer sur la confusion entre la réalité et un monde alternatif.

Finalement, l'objectif est de mieux comprendre ce qu’est une image de cinéma, et en miroir, ce qu’est une image de jeu vidéo - ce qui différencie fondamentalement l’une de l’autre, ce que l’une révèle de l’autre, etc.

Bande-annonce du jeu vidéo "The Matrix Awakens"

Comment allez-vous concrètement mener vos travaux ?

Pour questionner les liens entre jeu vidéo et cinéma, j’ai prévu de me pencher sur les archives de la presse vidéoludique des années 1990 à nos jours, afin d’y rechercher les traces d’un « effet-cinéma » dans les discours. Je vais repérer les occurrences de ce rapprochement avec les films et surtout tenter de comprendre sur quels critères ce raisonnement repose : éclairage, personnages figuratifs, textures, etc. Les facteurs de photoréalismes sont très évolutifs.

Un deuxième volet consiste à construire une histoire orale en allant à la rencontre de personnes qui ont créé les “moteurs graphiques” de certains jeux vidéo. Les moteurs graphiques sont un ensemble de composants logiciels qui permettent de gérer la physique, la lumière, etc. Le but de ces entretiens est de comprendre quelles étaient leurs sources pour produire les images : les infographistes ont-ils travaillé à partir de dessins ou de photos ? Quelles étaient leurs études de référence en informatique ? Je souhaiterais également interroger, au sein de studios de jeux vidéo, des professionnel·les qui ont choisi de travailler avec certains moteurs graphiques : pourquoi celui-ci et pas un autre ?

Le troisième volet est plus analytique et consiste à penser une méthode d’analyse des images de jeux vidéo qui combine la méthodologie issue des games studies nord-américaines et l’analyse filmique. J’ai prévu d’y consacrer un ouvrage. J’anime également une série de conférences au Théâtre national de Bretagne (TNB), intitulée Cinéma et Jeux vidéo, où je joue en direct tout en commentant les images. Et j’aimerais également conclure le projet par une exposition de photographies in-game, c’est-à-dire prises au sein de jeux. 

Idéalement, tout cela passerait aussi par une mise en réseau avec d’autres spécialistes du jeu vidéo, à travers l’organisation de journées d’étude et d’un colloque. Nous sommes dispersé·es un peu partout en France chacun et chacune dans nos disciplines, donc l’ambition serait de réussir à former un groupe de recherche en jeu vidéo, comme cela existe dans d’autres pays.

Comment avez-vous vécu la nomination à l’IUF ?

Cela a été une très grande et agréable surprise. J’ai appris, après avoir déposé seul le dossier, que j’aurais pu être assisté à l’université pour remplir certaines parties [par la Direction de la valorisation de la recherche (DRV), voir encadré]. Je suis donc parti du principe que ça n’allait pas marcher, qu’il y avait sans doute des critères à respecter pour répondre aux attentes de l’IUF. Donc je ne m’y attendais pas du tout et j’ai mis du temps à réaliser - j’ai même pensé que la liste sur laquelle se trouvait mon nom était celles des personnes non admises [rires]...

Qu’est-ce que cette nomination va vous permettre ?

Déjà, de financer tout ce que j’ai évoqué comme les séjours de recherche pour aller rencontrer des personnes dans des studios notamment en Amérique du Nord ou au Japon, les journées d’étude, l’exposition, etc. Et bien sûr, cela va me donner du temps grâce à la décharge des responsabilités administratives qui, malheureusement, pèsent souvent sur les travaux de recherche.

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