Date de publication
28 septembre 2022
modifié le

Initiation à la LSF et à la culture sourde à Rennes 2

Se comprendre sans s’entendre : un groupe d’étudiant·e·s a participé à l’atelier de sensibilisation aux surdités proposé par le Relais Handicap à l’occasion de la semaine locale du handicap à Rennes. Reportage.

Personne de dos avec un casque sur la tête pendant l'atelier surdités à Rennes 2

Bouchons dans les oreilles et casque sur la tête, une quinzaine d’étudiant·e·s se plonge dans le silence en cette après-midi pluvieuse de septembre. “Reposante” pour les un·e·s, “déstabilisante” pour les autres, cette expérience sensorielle amorce, dans le plus grand des calmes, l’atelier de sensibilisation aux surdités mené par l’association Añvol à Rennes 2 ce 26 septembre 2022. “Nous voulions commencer par ce petit moment pour vous donner une idée de ce que vit une personne sourde au quotidien”, expliquent Stéphanie Crozat et Guilhyan Schirck, qui co-animent l’intervention avec l’aide de deux interprètes en langue des signes française (LSF).

“Rien de tel que la mise en situation !” commentent Christine Favre et Elisa Hové de la mission Handicap Citoyenneté de la ville de Rennes, venues assister à l’activité. Ce sont elles qui co-organisent la deuxième édition de la semaine locale du handicap, du 24 septembre au 1er octobre 2022, avec le collectif handicaps 35 : “L’objectif est d’aborder les handicaps de manière positive, en axant les événements sur le partage et l’inclusion, avec des personnes ayant des handicaps et d’autres non.” Pouvoir proposer des actions (gratuites) sur le campus à un public étudiant est d’autant plus important selon elles, “pour sensibiliser les professionnel·le·s de demain à ces thématiques”.

La mise en pratique se poursuit avec un exercice où, face à face, l’on tente de décrire une image à son binôme qui ne la voit pas. Le dévoilement des photos révèle les difficultés de communication, tantôt comiques lorsqu’une poussette sort de nulle part, tantôt poétiques quand une maison se transforme en bateau… Mais toujours partagées. “Comme vous le constatez, ce n’est pas compliqué seulement pour la personne qui n’entend pas, ça l’est aussi pour la personne qui s’exprime”, insiste Guilhyan Schirck. On retiendra que pour communiquer, le plus simple est souvent le plus efficace et le tri des informations primordial, comme le détaille Stéphanie Crozat : “Trois mots suffisent, pas besoin d’un roman ! En LSF, on n’utilise pas tous les mots de liaison de la langue parlée.” Et par conséquent, on ne prend pas non plus de pincettes : “Entre sourd·e·s, on se dira très facilement “t’as grossi non ?”, ça ne choquera personne !”

Depuis la mise en place du Schéma directeur handicap en 2017, la LSF est proposée à l’Université Rennes 2 dans toutes les filières. Le groupe du jour est justement constitué majoritairement d’étudiant·e·s en licence 1 (arts du spectacle, psychologie, humanités, arts plastiques, sociologie…) débutant leur apprentissage, par curiosité ou ambition professionnelle. Lou, en licence 3 d’espagnol, veut devenir interprète LSF, tandis qu’Awena se destine à la profession d’art-thérapeute, convaincue que “cette langue sera un plus dans [son] futur métier”. Pour Léna et Chloé, c’est une occasion précieuse “d’être en contact avec des personnes sourdes ce qui est rarement le cas, et de voir aussi en direct le travail des interprètes”.

exercice de mise en situation durant l'atelier surdités à Rennes 2
Légende

Exercice de mise en situation. 

Outre des questions de vocabulaire et de grammaire, les étudiant·e·s partagent leurs interrogations pratico-pratiques aux membres d’Añvol : comment signe-t-on dans l’obscurité ? Et à l’étranger ? “Chaque langue a ses spécificités, ses avantages comme ses inconvénients", répondent Stéphanie Crozat et Guilhyan Schirck, soulignant qu’il existe 6000 langues parlées dans le monde, et 120 langues des signes. Mais bien souvent, l’échange part d’un point technique - par exemple, la différence entre les termes “sourd·e” et “malentendant·e” - pour dévier sur des notions culturelles et sociales. Le sujet de l’identité est notamment abordé avec Karine Amey-Angèle, enseignante de LSF à Rennes 2 venue participer à l’atelier, qui témoigne : “Qu’est-ce que ça veut dire “mal-entendre” ? Si je suis “malentendante”, vous êtes quoi vous, “mal-sourd·e·s” ? Il n’y a pas besoin d’étiquette en fonction du degré de surdité… Je ne me sens pas handicapée non plus, j’ai le même quotidien que vous. Je suis une personne en premier. On est des humain·e·s, c’est tout.” 

Cette heure et demie de sensibilisation est aussi l’occasion d’un très court résumé de l’histoire de la LSF et de ses grandes dates : naissance et mort de son fondateur, l’abbé Charles-Michel de L'Épée (1712-1789) ; période du “réveil sourd” dans les années 1980, c’est-à-dire de militantisme des personnes concernées pour la reconnaissance de leur langue ; loi du 11 février 2005 lorsque l’état français qualifie officiellement la LSF de “langue à part entière”. “Comme d’autres communautés, celle des sourd·e·s a une histoire difficile que les entendant·e·s leur ont imposée”, rappellent les membres d’Añvol, pour qui “les lois de reconnaissances sociétales ne sont pas toutes satisfaisantes”.

L’une des grandes thématiques de cette après-midi est justement l’accessibilité pour les personnes sourdes. En explicitant les contraintes quotidiennes, Stéphanie Crozat donne à voir le chemin à parcourir. L’accès aux études supérieures est un bon exemple. Si l’Université Rennes 2 est l’une des pionnières en termes d'aménagements de formations proposés via le Relais Handicap (cours en ligne, sous-titrage automatique des vidéos de son serveur, recours ponctuels à des interprètes, etc.), l’accessibilité n’est pas encore totale, “comme dans le reste de la société” selon l’animatrice. D’où l’intérêt d’un dialogue pour co-construire cette société plus égalitaire, bien entamé par ces étudiant·e·s qui ressortent enthousiastes de cet atelier.

Retrouvez le programme complet de la semaine locale du handicap à Rennes.
    v-aegirprod-1