Date de publication
10 mai 2023
modifié le 10 mai 2023

Doctoriales des sciences sociales de l’eau : une manifestation de mise en réseau des jeunes chercheur·ses, ancrée dans le territoire

Les laboratoires Espaces et Sociétés (ESO) et Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique (LETG) organisent les Doctoriales des Sciences Sociales de l'Eau à l'Université Rennes 2 du 31 mai au 2 juin 2023. Emmanuelle Hellier, enseignante-chercheuse en Aménagement de l'Espace et Urbanisme, est membre du comité scientifique et l’une des organisatrices de l’événement.

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La Vilaine à Rennes
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Crédit : XIIIfromTOKYO

Les Doctoriales des sciences sociales de l’eau se tiendront à Rennes du 31 mai au 2 juin. Quelles sont les spécificités de cette 6e édition ?

Emmanuelle Hellier. La spécificité de chaque édition tient à son ancrage territorial. Les visites terrain permettent de découvrir des politiques publiques, des aménagements et des paysages spécifiques à chaque territoire. Cela dit, l’objectif des Doctoriales reste le même : il s’agit de réunir la communauté scientifique qui travaille sur l’eau en sciences sociales, en particulier les chercheurs et chercheuses en doctorat, de manière régulière. Cet objectif commun repose sur l’existence d’un comité scientifique pérenne depuis 2014, qui s’est élargi, composé d’économistes, de politistes, de géographes, de sociologues…

Pourquoi est-il important de réunir les jeunes chercheurs et chercheuses ?

E. H. Ils ont besoin d’échanger sur les méthodes de recherche, les freins qu’ils rencontrent et les ressources qui existent pour faire avancer leurs travaux, en termes d’outils, de sources et d’échanges humains. La valorisation de la recherche repose sur l’activation de réseaux. Pendant les Doctoriales, nous proposons un certain nombre de ressources à travers la participation des membres du conseil scientifique pérenne, la participation lors d’une table ronde de jeunes professionnels qui sont docteurs et ont mené des recherches  dans différentes disciplines sur l’eau. Cette manifestation permet aux jeunes chercheurs et chercheuses de se projeter, d’avoir de nouvelles idées et de collecter des contacts pour pouvoir évoluer plus sereinement dans leur trajectoire à la fois de doctorat et d’insertion professionnelle. De fait, un réseau s’est monté qui s’appelle Rés-EAUX animé par des doctorants et doctorantes qui organise des séminaires et sera présent aux Doctoriales de Rennes avec une exposition.

L’interdisciplinarité est une dimension essentielle des Doctoriales. Pourquoi ?

E. H. En effet, il est important de pouvoir croiser des apports de disciplines différentes autour d’objets qui sont complexes. Par exemple, la lutte contre le moustique tigre dans le sud de la France repose sur la gestion de l’eau en ville, qui elle-même repose sur l’éviction des zones d’eau stagnantes, donc sur l’urbanisme ; ce dernier est aussi contraint de maintenir des zones végétales et d’infiltration des eaux pluviales, ce qui rend la question complexe. Ce travail de recherche est à la jonction entre l’urbanisme, la société et la santé. Les pénuries d’eau impliquent de connaître l’impact des sécheresses et soulèvent des questions d’ordre biophysique, mais également politiques. Le ministère de la transition écologique publie des études très régulières sur ce sujet, il faut pouvoir s’en saisir aux échelles locales pour bien mesurer les phénomènes et avoir des données plus fines, par des thèses sur l’arboriculture, le maraichage ou encore les réserves en eau présentées aux Doctoriales.

Le 1er juin, vous organisez deux sorties, l’une sur la thématique “Vilaine Sud” et l’autre sur “Rennes, ville perméable”. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

E. H. “Vilaine Sud” est une sortie à vélo, animée par la coopérative Cuesta. Elle vise à montrer comment la Métropole, les usagers et les élus locaux ont conçu de nouveaux aménagements autour de la Vilaine pour mettre en valeur de nouveaux usages et ouvrir ces espaces riverains aux habitants locaux, aux habitants de la métropole et au tourisme. Il y aura des rencontres avec des agriculteurs, des pêcheurs, des maraîchers et des collectifs d’artistes.

La deuxième sortie se fera à pied et en bus, dans une approche sensible des déplacements dans la ville. Le but sera de montrer chronologiquement comment à Rennes, les opérations d’urbanisme ont intégré l’infiltration des eaux pluviales dans leur cahier des charges, une obligation réglementaire qui se consolide depuis les années 1990. Nous verrons comment les pouvoirs publics urbains, responsables des plans locaux d’urbanisme, et les opérateurs d’aménagement du territoire ont pris en compte de manière sociale, esthétique, la contrainte des risques d’inondation. Faut-il installer des tuyaux pour évacuer les eaux de pluie ou aménager des espaces verts pour que l’eau s’infiltre ? Cela a une influence sur les constructions. Par exemple, plaine de Baud, la zone d’aménagement concertée a été pensée pour bien séparer les zones d’habitation et les endroits de loisirs et d’expansion de la crue de la Vilaine afin de constituer une sorte d’éponge. Néanmoins, il est toujours nécessaire de pomper l’eau car les espaces souterrains ne sont pas suffisants pour infiltrer l’eau. Cette visite sera l’occasion de montrer aussi les limites physiques, financières, etc. de ces opérations.

Quels sont les autres temps forts de ces journées ?

E. H. Le coordinateur du Centre de ressources et d’expertise scientifique sur l’eau de Bretagne (Creseb), Romain Pansard, donnera une conférence pour montrer comment la politique de la Région Bretagne est particulièrement ancienne et dynamique sur la préservation des milieux aquatiques, - même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des énergies déployées. Au sujet de la lutte contre les algues vertes, Patrick Durand, chercheur à l’INRAE, témoignera de sa position de chercheur sur des questions de controverse scientifique autour des liens environnement, activités économiques et usages de l’eau. Ce retour d’expérience est particulièrement intéressant pour l’assemblée de doctorants et doctorantes : cela les poussera à réfléchir à leur propre positionnement pendant leur thèse et après. On ne peut pas éluder le fait que nos objets de recherche sont influencés par nos questionnements citoyens ; la problématisation et la manière de répondre relèvent de la rigueur scientifique. Le premier soir, Alexis Fichet, ancien étudiant en Lettres à Rennes 2, auteur et metteur en scène, donnera une lecture-spectacle des Fables du Belon, écrites lorsqu’il était en résidence dans le cadre de l’Atlas des rivières de Bretagne, lancé par la Région avec l’association Eau et rivières de Bretagne, pour donner envie aux habitants de prendre soin de leurs rivières.

Les Doctoriales sont un exemple des échanges qui existent entre scientifiques et acteurs locaux du territoire (collectivités, élus, bureaux d’études…) sur la problématique de l’eau.

E. H. Beaucoup de nos recherches partent de données empiriques et travaillent sur le lien entre connaissances scientifiques et savoir d’expériences habitantes. L’Université Rennes 2 et ESO ont par exemple signé une convention avec le Conseil Départemental du Finistère et le Forum des marais atlantiques en 2019 pour accompagner les communautés de communes du pays bigouden dans une démarche de labellisation Ramsar de leur zone littorale pour la préservation des zones humides (documentée dans le dernier numéro de Palimpseste, consultable ici). Il s’agissait aussi de faire connaître ce que sont les zones humides aux habitants et aux visiteurs et d’impliquer tout tissu local (le club de surf, l’éleveur de vaches, etc.) pour que les associations naturalistes ne soient plus isolées. Autre exemple : le programme CAPARSY conduit par Véronique Van Tilbeurgh à ESO et Géosciences Rennes. Cette démarche participative est fondée sur la tenue d’ateliers réunissant scientifiques et acteurs concernés par la qualité de l’eau en Bretagne, dans l’objectif d’élaborer une méthodologie de collecte de données de terrain et des scénarios partagés.